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beaucoup plus considérable que les autres terres océaniques. En outre il existe au milieu de la mer d’autres massifs insulaires où les géologues voient aussi les débris de vastes terres continentales, mais qu’ils ne sauraient sans témérité considérer comme ayant appartenu à l’une des grandes parties du monde émergées pendant la période actuelle. Ainsi Madagascar, pourtant assez rapprochée de l’Afrique, semble une sorte de monde à part, ayant une faune et une flore qui lui appartiennent en propre et possédant même des familles entières, notamment de serpens et de singes, qui n’ont pas d’autres représentans dans le monde. De même, chose étrange, l’île de Ceylan, à demi réunie à l’Hindoustan par les écueils, les flots et les bancs de sable du Pont-de-Rama, diffère beaucoup de la péninsule voisine par la physionomie générale de ses animaux et de ses plantes, et l’on peut se demander si, au lieu de se rattacher à l’Asie, elle n’est pas au contraire le mince débris d’un ancien continent qui s’étendait à la place de l’Océan indien, et comprenait Madagascar, les Seychelles et d’autres îles maintenant presque imperceptibles sur la carte.

Parmi ces témoins de mondes disparus, nous croyons qu’il faut ranger aussi la plupart des Antilles et la Nouvelle-Zélande. M. Oscar Peschel se borne à les mettre au nombre des îles très anciennes, tout en admettant comme probable qu’elles ont fait partie, les unes de l’Amérique, l’autre du continent australien. Néanmoins le voisinage des côtes ne doit point suffire pour faire admettre l’existence d’anciens isthmes de jonction. Les grandes Antilles présentent avec les terres voisines de l’Amérique du Nord un contraste bien plus frappant encore que celui de Ceylan et de la péninsule du Gange. Par le relief et la nature des assises géologiques, Cuba, Haïti, la Jamaïque, ne ressemblent aucunement aux terres basses du littoral américain situé de l’autre côté du golfe ; leurs espèces végétales et animales diffèrent notablement de celles du continent voisin, bien que les vents, les courans, les oiseaux voyageurs et enfin les hommes aient collaboré depuis un nombre inconnu de siècles à porter de l’un à l’autre bord les animaux et les plantes. A l’époque de la découverte des Antilles, il y a bientôt quatre siècles, les seuls mammifères indigènes, à l’exception des chauves-souris, qui peuvent voler au-dessus des détroits, étaient quatre ou cinq espèces de rongeurs, dont une encore vivante de nos jours. Quant à la Nouvelle-Zélande, c’est un monde à part, dont la faune et la flore ont un caractère essentiellement original. Ses fossiles ne ressemblent ni à ceux de l’Australie, ni à ceux de l’Amérique du Sud. Les espèces vivantes se distinguent par leur physionomie générale de celles de tous les continens. Nulle part on ne trouve un aussi grand