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Les choses se sont passées différemment pour la Grande-Bretagne et la plupart des îles qui frangent le pourtour des masses continentales. Il est certain que l’Angleterre faisait autrefois partie de l’Europe : c’est là ce que prouve la concordance parfaite des terrains de l’un à l’autre rivage du Pas-de-Calais. Le détroit, simple fossé maritime d’une vingtaine de mètres de profondeur, est une brèche entre deux golfes que les météores, les vagues de tempête et les courans de marée ont graduellement creusée et qu’ils ne cessent d’élargir encore. Depuis l’époque romaine, les eaux ont gagné plus de 6 kilomètres sur les côtes orientales du comté de Kent ; dans leurs envahissemens successifs, elles ont englouti les vastes domaines du comte saxon Goodwin, que remplacent maintenant de redoutables bancs de sable, puis elles ont transformé en une grande rade ouverte l’étroite lagune des Downs. Chaque année, les fermiers anglais du littoral perdent environ 1 mètre de terrain, tandis que, du côté de la France, la falaise de Gris-Nez recule en moyenne de 25 mètres par siècle. Si durant les âges antérieurs le travail d’érosion s’était accompli dans les mêmes proportions, on pourrait calculer, à quelques siècles près, l’époque précise à laquelle l’isthme de jonction entre l’Angleterre et le continent a été rompu par la pression des, flots. De la même manière, l’Irlande a été séparée de la Grande-Bretagne pendant la période géologique actuelle, et sur le pourtour de ces deux îles principales nombre de fragmens secondaires, Wight, Anglesey, les Sorlingues, se sont également isolés au milieu des flots. Si la mer qui baigne les côtes occidentales de l’Europe s’abaissait tout à coup de 200 mètres, on verrait surgir des eaux la puissante masse du plateau sous-marin qu’entourent au nord et à l’ouest les profonds abîmes de l’Atlantique boréal, et qui sert de piédestal commun à la France et aux îles britanniques. Les contours de ce plateau indiquent sans doute l’ancien rivage, du continent ; ces terres submergées sont, pour ainsi dire, les fondemens de l’édifice disparu. D’ailleurs la faune et la flore de la Grande-Bretagne étant strictement européennes, on ne saurait douter de la continuité qu’avaient autrefois les terres dans cette direction. Tous les animaux, toutes les plantes sauvages des deux grandes îles sont des colons venus du monde voisin ; pas une seule espèce n’appartient en propre, comme production spontanée, au sol d’Érin ou d’Albion. Seulement l’Angleterre est moins riche que la France en êtres organisés, et l’Irlande de son côté est peuplée de moins d’espèces que la grande île dont elle s’est détachée. Ce sont là des faits très faciles à comprendre : plus une terre est petite, moins elle peut offrir de variété dans sa population d’animaux et de plantes, et parmi les espèces celles qui ne sont pas