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spéciales, comme en ont certaines parties de la Méditerranée et le lac Michigan lui-même. Cependant, avant de se prononcer d’une manière définitive, il faut attendre que les divers phénomènes du flux et du reflux aient été observés avec soin sur tous les rivages de la mer.


III

L’agent qui travaille le plus activement à la modification des roches du fond de la mer et par conséquent au renouvellement de la surface terrestre, c’est la vie animale. Les testacés, les innombrables animalcules à carapace calcaire ou siliceuse qui vivent dans l’océan sont sans cesse à l’œuvre pour consommer et produire. Ils absorbent les molécules terreuses que les fleuves apportent à la mer, les décomposent chimiquement dans leurs organismes et sécrètent les substances dont ils forment leur squelette ou leur étui. A mesure que ces tourbillons vivans cessent de s’agiter, leurs débris s’entassent au fond de la mer ou sur les plages, et finissent par y former des bancs immenses, des plateaux sous-marins qu’un soulèvement produira plus tard au grand jour. Dans les mers tropicales, les zoophytes, enracinés dans les roches composées des restes de générations antérieures, s’acharnent sans relâche à bâtir des îles, à jeter les assises de continens futurs. Ainsi la mer, par les myriades et les myriades d’animaux qui la peuplent, ne cesse de modifier la forme de son bassin ; mais, par la seule action de ses vagues, elle travaille aussi d’une manière constante à remanier les contours de ses rivages. Ici les flots sapent et renversent lentement une péninsule, ailleurs ils construisent des plages. Aux anciennes roches démolies par les brisans succèdent des roches nouvelles différant des premières par l’ordonnance et l’aspect. Déjà depuis les siècles historiques bien des côtes ont tout à fait changé. Des promontoires ont été rasés, tandis qu’ailleurs des pointes se sont avancées dans la mer ; des îles se sont transformées en écueils, d’autres sont englouties, et l’on ne sait plus même où elles s’élevaient au-dessus des flots, d’autres encore sont rattachées au continent. La ligne pierreuse du rivage ne cesse d’osciller, empiétant ici sur l’océan, plus loin sur les surfaces continentales. Tout ce que les eaux engloutissent d’un côté, elles le rendent ailleurs sous une autre forme. Les hautes falaises de granit qu’assiégeaient les lames deviennent ces hauts-fonds de sable qui développent leurs courbes gracieuses à l’entrée des golfes et des estuaires.

A la vue des grands travaux géologiques accomplis par le choc des vagues sur le littoral des diverses parties du monde, les savans