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point dépendre, comme le bleu de l’océan, de l’intensité de la lumière, car dans les. mers arctiques on discerne les objets flottans à des profondeurs aussi grandes que dans la mer des Antilles, et c’est même sous les latitudes polaires que le regard de l’homme aurait pu sonder jusqu’à la plus grande distance au-dessous de la surface : en effet, d’après Scoresby, le consciencieux explorateur de l’océan polaire, le fond des eaux pures de ces régions serait encore parfois visible à 130 mètres. Il est vrai que, par suite de la différence des climats et des organismes qui en dépendent, les espaces sous-marins sont dans la zone tropicale bien autrement curieux à contempler que dans le voisinage des pôles. Rien de plus agréable que de voguer sur une de ces tièdes mers où, tout en voyageant sans crainte des écueils, l’on ne cesse de voir le lit marin se dérouler au loin sous la proue du navire. Les nombreuses algues vertes ou roses ondulent gracieusement sous le flot comme les herbes d’un ruisseau, les coquillages rampent sur le fond, les poissons, les étoiles de mer aux couleurs éclatantes, une foule d’animaux aux formes étranges glissent lentement ou s’élancent comme des flèches à travers l’eau bleue ; les némertes et autres rubans animés y déploient mollement leurs anneaux transparens ; on pourrait se croire suspendu au-dessus d’une autre terre et flottant dans un navire aérien. L’écume blanche des vagues que soulève la proue du vaisseau et les couleurs irisées qui brillent sur les gouttelettes éparses ajoutent encore au charme de ce merveilleux tableau.

Parmi les diverses questions relatives à la physique de la mer, celle de la température dans les couches profondes sera certainement l’une des plus difficiles à résoudre, car les observations faites jusqu’ici par les navigateurs ne concordent pas entre elles, et peuvent en conséquence servir de points d’appui aux théories les plus contradictoires. On a pu constater sans peine que la nappe superficielle de l’océan offre à peu près le même degré de chaleur moyenne que l’atmosphère surincombante, et que du point de congélation sous les pôles la température des eaux s’élève assez régulièrement à 20 et à 25 degrés sous les tropiques, même à 30 degrés près des îles Gallapagos et jusqu’à plus de 32 degrés dans la Mer-Rouge et l’Océan indien ; mais quant à la croissance ou à la décroissance dans le sens vertical il serait téméraire, vu la rareté des sondages précis, d’adopter l’une ou l’autre des hypothèses émises à cet égard par les physiciens.

James Ross, l’un des premiers, crut avoir découvert cette loi des températures sous-marines. D’après cet illustre navigateur, les couches liquides des mers équatoriales se refroidissent graduellement jusqu’à 2,200 mètres, profondeur à laquelle le thermomètre