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filature et de l’ouvraison, comme aussi des cocons accouplés ou bien des cocons dont la phalène est sortie et qui se cardent au lieu de se filer. Les meilleures préparations en ce genre se font en Suisse ; ces fils, connus sous le nom de schappes, s’appliquent aux velours, aux taffetas, aux rubans, à toutes les petites étoffes d’un coût minime et d’un grand débit. C’est par quantités énormes que ces marchandises s’exportent, et peut-être, Lyon et Saint-Etienne les ont-elles traitées jusqu’ici avec trop de dédain. Il existe en effet dans nos grands ateliers un point d’honneur qui y entretient l’horreur du mélange et le culte de la soie pure. Personne ne veut encourir le reproche que l’industrie a déchu dans ses mains ; le fabricant s’y résignerait, que l’ouvrier ne s’y prêterait pas. En plus d’une circonstance, ce sentiment s’est fait jour. L’introduction des soies de Bengale sur nos métiers a été presque un coup d’état ; on n’a cédé qu’à la nécessité. Pour les bourres de soie et les amalgames du coton, les résistances sont encore très vives ; à peine citerait-on en ce genre quelques ateliers spéciaux. Ces scrupules sont dignes de respect ; il ne faudrait pourtant pas les exagérer. Il y a là une branche considérable de travail ; pourquoi ne pas la revendiquer plus largement, sauf à en bien marquer la nature et à en justifier l’adoption par des perfectionnemens décisifs ?

Voilà nos trois rivaux directs, et en aucun temps l’industrie des soieries n’en a pris sérieusement ombrage ; à la suite de ce concours, elle y sera moins disposée que jamais. Faut-il donner maintenant une mention aux rivalités indirectes, celle de l’Autriche, celle de l’Italie ? Aucun de ces états n’a fourni la mesure de sa force ; la guerre y avait mis empêchement. L’Autriche est fort en arrière de 1855, où ses produits causèrent quelque surprise ; l’Italie n’est représentée que par la chambre de commerce de Côme et quelques villes comme Gênes, Turin et Milan. C’est une double revanche à prendre. Que dire des envois de la Turquie ? Tout au plus comptent-ils à titre de curiosité. En mettant en réquisition les gens des eyalets et des vilayets (circonscriptions administratives), on est parvenu à former, pour la soierie seule, un total de deux cents exposans. Ils ne sont pas, il est vrai, bien chargés de bagage : celui-ci a des draps de lit, celui-là des chemises, un troisième des essuie-mains, le tout en soie écrue ; mais le nombre y est, et le gouvernement turc y a mis de la discrétion ; les pachas aidant et avec les procédés familiers aux pays orientaux, on eût pu remplir les galeries.