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remaniemens successifs. La constitution ressemble à beaucoup de villes d’Angleterre, dans lesquelles les anciens édifices religieux et féodaux tiennent encore une grande place, quoique à côté d’eux s’élèvent des constructions plus modernes, des usines, des chemins de fer, des écoles, des centres d’industrie et de travail intellectuel où l’avenir dispute le terrain au passé. Jusqu’où pourraient aller de tels renouvellemens ? Il n’y a d’autres limites que la volonté du parlement et le bon sens de la nation. Que demain la reine, la chambre des lords, la chambre des communes, consentent à changer la forme du gouvernement, et la monarchie anglaise peut faire place à une république. Je ne veux point dire qu’un tel événement soit probable : il suffira d’affirmer qu’il serait légal.

Quoique la chambre des communes ne soit point tout le parlement, c’est bien elle qui dirige les affaires de l’état. Douée d’un pouvoir d’initiative sans restriction, s’occupant de régler les intérêts du pays et ceux des individus, elle ne laisse guère au gouvernement que le choix des hommes et des moyens. Un ministre de la couronne, lord Stanley, lui rappelait dernièrement qu’elle tenait dans ses mains la paix et la guerre, puisqu’elle avait le droit d’accorder ou de refuser l’argent nécessaire pour payer les frais de toutes les entreprises belliqueuses. L’armée est censée appartenir à la reine ; mais la chambre intervient à chaque instant dans les moindres détails du service et de l’organisation militaire. Elle répond de l’honneur et de la prospérité du pays, tout en veillant au maintien et au développement des institutions libérales. Les docks ne se creusent et les chemins de fer ne s’ouvrent que par ses ordres. Quiconque se croit lésé dans ses droits en appelle à cette assemblée souveraine. De quoi ne s’occupe-t-elle point[1] ? Il est bien vrai que ses projets de loi doivent recevoir la sanction de la chambre des lords et l’approbation de la reine ; mais combien peu elle s’inquiète de ces retards ! Si la chambre des lords est un frein, c’est du moins un frein intelligent qui finit toujours par céder à la pression du temps et de l’opinion publique. Quant au souverain, le dernier acte de résistance à la volonté du parlement a été celui de la reine Anne refusant son adhésion au Scotch militia bill. Dans le cas d’une lutte entre le pouvoir législatif et la couronne, la chambre des communes aurait d’ailleurs un moyen bien simple d’en finir : elle ne voterait point les subsides. Grâce à l’autonomie des différens corps de l’état, au respect de l’armée pour le droit, à la confiance

  1. La masse des bills votés dans une session par le parlement anglais est vraiment prodigieuse, et pourtant combien d’entre eux restent à l’état d’embryon ! Le moyen de renvoyer un bill aux calendes grecques est de décider qu’il sera lu pour la seconde fois dans six mois, lorsqu’il est à peu près certain que la chambre ne siégera plus dans ce temps-là.