Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/921

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

public ? Un grand spectacle, — l’assemblée d’un peuple qui se gouverne lui-même. La chambre des communes diffère beaucoup de la chambre des lords pour le style des décorations intérieures ; ni or, ni peinture ; les murs et le plafond, doublés de chêne, n’étalent guère à la vue que le luxe sévère des boiseries. Assis de chaque côté sur quatre rangées de bancs à siège et à dossier doublés de cuir vert, les députés, dans une posture nonchalante, attendent l’ouverture de la séance. En été, le jour entre dans la salle par d’étroites fenêtres à vitraux coloriés qui se succèdent de chaque côté sur toute la longueur du mur entre le plafond en coquille et la galerie des députés ou des pairs[1]. Vers quatre heures, l’huissier portant la masse annonce le speaker. Tous les députés se lèvent et ne se rassoient que quand le président a pris place dans son fauteuil. La séance n’est-elle point ouverte par le fait ? Oui et non, car la curiosité des visiteurs admis dans les galeries peut encore être trompée. Tout membre de la chambre qui découvre moins de quarante députés dans la salle a le droit de demander qu’on les compte. Les étrangers doivent alors se retirer. En leur absence, on retourne le sablier qui figure sur la table des secrétaires, et pendant les deux minutes que met le sable à s’écouler plusieurs hommes d’état qui se trouvaient dans les chambres voisines ont le temps de gagner leur siège. Si toutefois, à la fin de cette épreuve, le speaker ne réussit point à compter au moins quarante membres dans l’assemblée, il déclare la séance ajournée au lendemain. Ce dernier cas, il faut le dire, est très rare, et en général la chambre s’occupe tout de suite de ses affaires.

Durant environ une ou deux heures se lisent une foule de pétitions et de projets de loi d’un intérêt secondaire. Vient alors la grande question du jour. C’est le moment où commencent les discours, car jusqu’ici les speeches échangés d’un banc à l’autre avaient plutôt le caractère d’une conversation entre gens du monde qui discutent des intérêts sérieux. En principe, la parole appartient, à celui qui se lève pour la prendre ; comme pourtant il arrive assez souvent que deux membres se dressent à la fois, le speaker choisit entre eux et désigne d’ordinaire le plus connu, l’orateur ayant la meilleure chance de se faire écouter favorablement par l’assemblée. Quand il s’agit de débats très importans, les partis peuvent bien organiser entre eux un programme des tours de parole qu’ils soumettent d’avance au président, et qui est alors suivi durant la soirée. Cependant la discussion flotte le plus souvent à l’aventure, en pleine liberté, allant d’un orateur à l’autre sans autre ordre

  1. Cette galerie est en effet consacrée aux membres du parlement, qui peuvent ainsi suivre une partie des débats sans siéger sur leurs bancs.