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de leurs attributions, comment s’expliquer l’indifférence avec laquelle les traite le cérémonial de cour ? L’usage, qui tient toujours assez peu de compte du progrès des idées et de l’état successif des institutions, ne semble voir dans les députés de la seconde chambre que les successeurs des anciens bourgeois (burgesses), admis comme par faveur dans le conseil national de la noblesse. Il fut en effet un temps où la chambre des lords était tout le parlement et où l’Angleterre se trouvait uniquement représentée par les barons. Le reste, c’est-à-dire le pays, était alors comme s’il n’existait point. Un élément nouveau, celui que nous appelons en France le tiers-état, s’introduisit peu à peu dans l’assemblée des pairs du royaume. Les chevaliers des comtés, les représentans du commerce et de l’industrie des villes, furent admis à donner leur avis sur les questions d’impôts ; mais tout porte à croire qu’ils s’abstenaient, au moins dans les commencemens, de prendre part aux grandes affaires de l’état telles que la paix et la guerre. Plus tard, le parlement se bifurqua en deux assemblées bien distinctes : les lords continuèrent de siéger dans Westminster-Hall, tandis que les députés des communes s’installèrent dans une autre salle du même ancien palais. Longtemps après la séparation, combien encore étaient limitées les prérogatives de la seconde chambre ! Avait-elle à se plaindre de certains griefs, le seul moyen d’obtenir justice était d’adresser une pétition au roi. Aucune mesure législative ne pouvait émaner directement du sein de ce conseil, et malgré la différence des temps on retrouve encore aujourd’hui la trace de ces humbles origines dans la forme des bills. Ce sont des espèces de requêtes dans lesquelles, après avoir signalé tels ou tels abus, l’assemblée indique le remède et conjure l’autorité royale de l’appliquer. Si c’était ici le lieu d’en appeler à l’histoire, on pourrait citer plus d’un exemple du peu de cas que faisait la cour jusqu’à la fin du XVIe siècle de la chambre des communes, et pourtant ce pouvoir naissant avait déjà un grand avantage sur les autres corps de l’état : il tenait les cordons de la bourse publique. Aussi dans le discours du trône se trouve-t-il toujours un paragraphe qui est relatif aux finances et qui s’adresse aux gentlemen of the house of communs. Une question d’argent força Louis XVI en 89 d’assembler les états-généraux, qui firent la révolution française ; c’est aussi par le droit d’accorder ou de refuser les subsides que les communes ont conquis en Angleterre une si grande place, accru de jour en jour leurs privilèges et réformé les lois du pays. En moins de trois siècles, quel changement ! Cette même chambre, qui adressait des suppliques au roi, reçoit aujourd’hui les pétitions de tout un peuple. Ses votes, qui étaient des prières, sont presque devenus des ordres, tant ils