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conscience les devoirs de sa charge. Ceci fait, les candidats sont aussitôt présentés par un ami et secondés par un autre. Du haut de l’estrade ils adressent successivement la parole aux électeurs, exposent leurs vues et font valoir leurs titres à la représentation. La manière dont chacun d’eux est accueilli dépend tout à fait des bonnes dispositions ou des rancunes de l’auditoire en plein vent. Tel se voit tout d’abord assailli par une bourrasque de sifflets, de huées et de sarcasmes, tandis que tel autre est au contraire couvert d’applaudissemens. Le pluck, sorte de bravoure tout anglaise qui ne se déconcerte ni devant l’orage ni devant l’impopularité, vient généralement à leur secours ; aussi, en dépit de tout, réussissent-ils à se faire plus ou moins écouter par la foule. Je parle naturellement des cas où l’opinion est divisée ; dans les endroits au contraire où les avis sont à peu près unanimes, les choses se passent beaucoup plus simplement. S’il ne se présente aucun concurrent, ou en d’autres termes si le nombre des candidats n’excède point le nombre des députés que les électeurs ont le droit d’envoyer au parlement, celui ou ceux qui viennent d’être désignés sont élus par le fait et à l’instant même. Pareille nomination n’a d’ailleurs lieu que dans un très petit nombre de collèges où l’un des deux partis politiques renonce absolument à la lutte. Il faut, pour qu’il en soit ainsi, un de ces rares hommes d’état dont les services ou tout au moins l’influence locale défient d’avance toute opposition. Dans les cas ordinaires, c’est-à-dire quand deux candidats d’opinion différente se disputent les suffrages, le returning-officer invite les citoyens présens à lever la main. S’il faut en croire certaines inductions, cet usage porterait la trace mal effacée d’un temps où tout le monde en Angleterre avait le droit d’être consulté sur le choix des représentans. Le votant est en effet ici le premier venu, et combien parmi ceux qui lèvent la main ne sont point du tout électeurs aux yeux de la loi ! Il arrive très souvent que la place sur laquelle se dressent les hustings soit envahie de bonne heure par des étrangers, des curieux ou même des gens payés. Le returning-officer n’en déclare pas moins à haute voix le résultat de cette épreuve, toujours douteuse ; mais l’adversaire qui ne veut point se soumettre à une pareille décision a le droit de réclamer le vote à livre ouvert, poll. C’est par ce moyen seul que se comptent vraiment les forces de chaque parti, et l’on voit très fréquemment un candidat battu par la levée des mains, show of hands, réunir ensuite autour de son nom le plus grand nombre de suffrages. Tout le monde attend donc avec inquiétude les résultats du lendemain.

Le jour des votes (polling day) s’annonce dès le matin dans les villes par une émotion générale. Il y a souvent chez une nation des