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Il n’y a guère eu de régime politique, en France ou ailleurs, qui n’ait donné la liberté à ses amis ; le caractère du gouvernement anglais est de ne point la refuser à ses ennemis. J’ai lu plus d’une fois qu’on permettait à nos voisins l’usage de leurs droits parce qu’ils savaient ne point en abuser. C’est bien plutôt le contraire qui est vrai : les habitans de la Grande-Bretagne n’abusent point de leur indépendance parce que le gouvernement, sans arrière-pensée et sans restriction, laisse discuter tous ses actes, attaquer tous ses hommes et scruter tous ses desseins. Est-il d’ailleurs exact de dire que la liberté d’examen ne franchisse jamais les limites légales ? J’ai entendu des orateurs comparer les institutions monarchiques de l’Angleterre à la constitution républicaine des États-Unis, et donner hardiment la préférence à cette dernière forme de gouvernement. Qui eût osé les interrompre ? Ceux même qui ne partageaient point leur opinion eussent été les premiers à les défendre contre toute atteinte ou toute poursuite de l’autorité. Les penseurs que ne satisfait point la monarchie constitutionnelle (et il s’en trouve bien quelques-uns en Angleterre) n’ont vraiment à accuser que la volonté de leurs concitoyens, car les bases du pacte fondamental sont tous les jours soumises à la discussion. C’est, assure-t-on, le moyen de les consolider ; rien ne dure, de ce qui, ayant été bâti dans la nuit, redoute la lumière. Et puis, si à peu près tout le monde tient à conserver dans les îles britanniques la prérogative royale, qui voudrait l’accroître ? A coup sûr, ce ne sont point les tories ; plus encore peut-être que certains libéraux, ils se montrent jaloux de défendre les garanties qui s’élèvent ici de toutes parts contre les envahissemens du pouvoir central. L’intervention d’un agent pour mettre le choix des députés dans la dépendance du ministère serait aussi mal accueillie par un parti que par un autre. Sans doute il n’en a point toujours été ainsi. Quoiqu’on lise dans le bill of rights (1689) ces belles paroles : « les élections doivent être libres, » longtemps après Guillaume III et jusqu’au commencement du XIXe siècle, l’influence de la couronne se faisait sentir dans le nom et le caractère des candidats ; mais pourquoi invoquer le souvenir d’un état de choses que désavouent maintenant au-delà du détroit toutes les opinions ? Serait-ce pour se parer des erreurs d’un grand peuple et pour ramasser les dépouilles de son passé ? A quelle nation un peu fière fera-t-on croire que ce qui ne convenait déjà plus aux Anglais d’hier est aujourd’hui assez bon pour leurs voisins ?

Le mal (car il y a des ombres au tableau) est que la candidature est généralement dans la Grande-Bretagne un luxe de gentilhomme et de millionnaire, mais à qui la faute ? Ce n’est point à la loi qu’il faut s’en prendre. Jusqu’en 1858, les membres de la chambre des