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souvent arbitraires. Qu’il n’ait pas cherché dans ses fresques à flatter les sens ou à produire l’illusion, à la bonne heure ; mais il s’est volontairement réduit à l’emploi de moyens élémentaires dont la simplicité presque enfantine est en flagrante contradiction avec la complexité de la pensée première, et ne saurait suffire à la diversité des détails que l’artiste a imaginés.

Il saute malheureusement aux yeux que les fresques de Munich ne sont pas nées d’une inspiration indépendante et se déployant dans sa pleine spontanéité. Elles ont été conçues avec l’ambition trop évidente de satisfaire aux exigences des savans d’école en même temps que d’étonner les simples. L’effet réel est-il proportionné aux sacrifices qu’il a fallu faire et aux moyens employés pour l’obtenir ? La salle des dieux, la salle des héros et le vestibule contiennent trop d’idées et des idées qui ont peu de chose à faire avec l’art. Considérez dans la salle des dieux la donnée génératrice de toutes les compositions, l’Amour triomphant du Chaos : libre aux interprètes d’admirer cette formule poétique de toutes les forces physiques qui ont imposé aux élémens leurs lois, et de vanter l’art profond qui a su rattacher ces fables antiques à une pensée rigoureusement conforme aux plus belles conquêtes de la science. Cela n’empêche pas les compositions auxquelles cette pensée préside d’être arbitraires, enveloppées d’obscurité. Bien plus, à les regarder au point de vue de l’hellénisme, ne renferment-elles pas un grossier contre-sens ? Cette mythologie légère, qui recèle peut-être quelque fonds de vérité, mais qui a toujours laissé à la fantaisie des poètes et des artistes, aux manières de penser des différens siècles, aux particularités des traditions locales une immense latitude, qui est toujours restée en un mot fluide et vaporeuse comme les nuages du soir, que devient-elle quand on la cristallise en un système pesant et qu’on l’assujettit à la rigueur des déductions logiques ? Je me demande si cette mythologie, grosse de toutes les conceptions que les critiques modernes y ont découvertes, n’est pas plus éloignée du vrai que les personnifications ingénues des artistes de la renaissance, les simples allégories peintes par un Raphaël, un Jules Romain, un Guido Reni. L’auteur s’est très ingénieusement servi des légendes d’Orphée, d’Arion et d’Hercule pour représenter aux yeux, sous une forme dramatique, les trois règnes assignés aux divinités souterraines, marines et célestes ; mais l’œil de l’archéologue découvrirait ici, jusque dans les inventions dont l’artiste s’est probablement le plus applaudi, bien des anachronismes et de choquantes inexactitudes. Hadès, le dieu du Tartare, est une combinaison du tyran de mélodrame et du Satan miltonien qui est diamétralement contraire au