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particulier ceux des Nibelungen témoignent qu’il possédait à un haut degré cette qualité, et il est permis d’y voir sans exagération une préparation instinctive et comme un acheminement aux travaux plus vastes dont il concevait déjà l’idée.

Des circonstances inattendues vinrent mûrir ces projets, qui auraient pu couver longtemps et finalement avorter, si une rencontre heureuse ne lui avait permis de les réaliser. C’est là une date essentielle dans la vie de Cornélius et même dans l’histoire de l’art allemand contemporain. Chose bizarre, c’est un Israélite de naissance, le consul général de Prusse en Italie, Salomon Bartholdi, l’oncle du compositeur Mendelssohn, qui ouvrit le premier à l’art catholique allemand la carrière qu’il allait si brillamment parcourir. En 1813, il voulut faire décorer de fresques une salle du palais Zuccheri, qu’il occupait sur le Monte-Pincio ; il s’adressa naturellement à Overbeck, à Philippe Veit, à Schadow et à Cornélius, qui se chargèrent de les exécuter gratuitement ; Bartholdi devait seulement pourvoir aux frais matériels. Les deux pages exécutées par Cornélius sont empruntées à l’histoire de Joseph ; elles représentent l’explication des songes et la reconnaissance de Joseph par ses frères ; elles font honneur au talent de l’artiste et se distinguent par la vérité des expressions en même temps que par une élégance de formes que le peintre n’a pas souvent retrouvée depuis. Cette résurrection de la fresque par des artistes étrangers produisit à Rome, où elle était tombée comme partout en désuétude, une sensation des plus vives. Quelque temps après, le marquis Massimi voulut faire peindre à fresque dans sa villa les grandes scènes des poètes italiens, du Tasse, de l’Arioste et de Dante. Overbeck et Schnorr se chargèrent des deux premiers ; Cornélius entreprit de représenter le Paradis, et si l’on songe au caractère tout idéal de cette partie de la Divine Comédie, si l’on se représente combien cette progression, d’ailleurs merveilleusement ménagée, à travers le monde invisible où tout est musique et lumière et où les formes terrestres s’effacent dans la clarté de la rose mystique, répugne à toute expression plastique, on s’étonnera du choix de Cornélius. Il eut recours, pour se tirer d’affaire, à un stratagème ingénieux et parfaitement légitime, en choisissant dans chacune des planètes dont le poète fait le séjour des bienheureux quelques-uns des élus les plus illustres, et en nous les montrant avec leur physionomie et leurs attributs caractéristiques. Les dessins, qui donnent une idée fort nette de son plan, nous laissent toutefois le regret qu’il n’ait pu l’exécuter.

En effet Cornélius s’apprêtait à quitter Rome, où il était depuis sept ans, et des raisons décisives précipitaient en ce moment sa résolution. L’arrivée du prince Louis de Bavière, dont le