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PROSPER RANDOCE.

son épithalame. Il l’accosta, le sourire aux lèvres, comme si de rien n’était. — Monsieur le notaire, lui dit-il, j’ai depuis longtemps une question à vous adresser… Veuillez m’accorder un instant d’entretien.

— Parlez, jeune homme, répondit M. Patru. Je vous suis tout acquis. Il n’est pas de service que je ne sois prêt à vous rendre. Ils furent s’asseoir dans le pavillon. — Si je ne me trompe, reprit Prosper, c’est vous, mon cher monsieur, qui avez révélé à Didier qu’il avait un frère ?

— C’est moi, vous l’avez dit, trop heureux que j’étais d’avoir à lui communiquer une si excellente nouvelle… Un frère ! quel trésor ! J’ai du flair, beaucoup de flair. Je pressentais dès lors les douceurs inconnues que votre commerce allait répandre dans sa vie.

— Parlons sérieusement. Vous étiez le confident de mon père naturel ; c’est à vous qu’il a fait connaître ses dernières volontés. Seriez-vous homme à me donner un mot d’explication à ce sujet ?

— Interrogez-moi, jeune homme. On vous répondra.

— Mon père, reprit Randoce en accentuant ces deux mots, était, me dit-on, un homme de cœur et un homme de sens. Il avait l’esprit très net, très pratique…

— Il était la précision même, répliqua sentencieusement le notaire en faisant danser sa tabatière entre ses doigts.

— J’en conclus que, puisqu’il a bien voulu se souvenir de moi à son lit de mort, il a dû prendre des dispositions en ma faveur, stipuler nettement ce qu’il entendait faire pour l’enfant qu’il avait honteusement abandonné après l’avoir mis au monde…

— Et notez ceci : sans lui en avoir demandé l’autorisation, interrompit le notaire, j’ai toujours reproché à votre père d’avoir négligé cette formalité.

— Vous convenez donc, poursuivit Prosper avec un peu d’impatience, qu’il vous a fait connaître ses volontés, et que ces volontés étaient nettes, précises…

— Très précises, jeune homme,… et, jouant l’indignation, M. Patru ajouta : — Ah çà ! est-ce que Didier aurait cherché à éluder ses engagemens ? Vous aurait-il dissimulé toute l’étendue des obligations qu’il a contractées ?… En ce cas, comptez sur moi, je prendrai hautement votre parti, je serai le premier à lui rappeler ses devoirs.

— Je crois que j’aurai besoin de votre assistance, répondit Prosper, dont le visage s’était épanoui. Didier est un honnête garçon, mais il aime à marchander, et malheureusement je ne suis pas en position de lui accorder du rabais.

— Bien pensé, bien dit, s’écria M. Patru en ouvrant sa tabatière. En vain vous affectez de faire fi du Permesse. Voilà des métaphores