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abandonner à tous les hasards et peut-être aux ressentimens du parti et du gouvernement destinés à reprendre l’ascendant ? Voilà quelles eussent dû être, au moment où nous rappelions nos troupes, les considérations dominantes de la politique française, il fallait montrer une énergie morale qui eût dominé notre revers, et qui en eût prévenu les conséquences les plus funestes ! Il fallait avoir le courage de ne point permettre à Maximilien le sacrifice désespéré qu’il voulait s’imposer. Il fallait le sauver malgré lui, au besoin par une clémente contrainte, et, le sauvant au nom même des intérêts de nos compatriotes établis au Mexique, conclure un arrangement quelconque avec le seul gouvernement national qui eût paru capable de dominer l’état anarchique créé par le départ de nos troupes et par la chute de l’empire de Maximilien. N’a-t-on rien essayé en ce sens ? Si on a tenté quelque chose, comment a-t-on échoué ? Pour calmer la conscience de la France, il faudrait dire au moins ce qui a été fait dans ce moment si critique où le départ de nos troupes allait abandonner le Mexique à lui-même. Si l’on a manqué de présence d’esprit, de prévoyance, de force d’âme, pour imposer les contraintes sévères, mais salutaires, on voit aujourd’hui le résultat des fautes commises. N’est-il pas déplorable qu’après avoir été les témoins impuissans de la fin tragique du prince qui n’a pas voulu nous suivre au retour, nous soyons aussi réduits à attendre avec une fiévreuse anxiété les nouvelles d’Amérique destinées à nous apprendre ce que nous devons espérer ou craindre pour nos nationaux et pour nos agens ?

La fâcheuse lenteur des décisions du gouvernement se trahit encore dans un dernier épisode de l’affaire mexicaine. Une liquidation de pertes financières est la conséquence obligée de cet avortement politique. On sait qu’il y a eu des emprunts mexicains, et que les capitalistes, les petits surtout, car il s’agissait de valeurs rapportant de gros intérêts et dotées de loteries considérables, ont été vivement excités à y prendre part. On s’imagine bien que les républicains du Mexique n’accepteront point cette part de l’héritage de Maximilien. Les porteurs des obligations mexicaines doivent-ils se considérer comme absolument ruinés ? Ne peuvent-ils compter sur aucun dédommagement ? Il y a là une question d’équité que le gouvernement aurait dû régler tout de suite. Sans doute l’état n’est lié vis-à-vis des souscripteurs des emprunts de Maximilien par aucune obligation qui puisse être juridiquement établie. Cependant, lorsqu’on se rappelle les circonstances au milieu desquelles se sont accomplies ces opérations financières, on ne peut nier que, si le lien légal fait défaut, la responsabilité morale abonde pour le gouvernement. Les déclarations ministérielles qui précédèrent les emprunts affirmaient non-seulement que le Mexique bien gouverné paierait ses créanciers, mais que l’appui militaire de la France ne manquerait point à Maximilien jusqu’à te que l’empire fût fondé. Cette promesse du concours des troupes fran-