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cause libérale aide et protection contre les envahissemens du despotisme prussien. Les princes vassaux du roi Guillaume pourront, s’ils savent le faire à temps et sincèrement, lier à cette cause le maintien de ce qu’il leur reste d’autorité et de prestige.

Tels sont les élémens divers qui commencent à se dégager au milieu du bouleversement produit en Allemagne par la dernière guerre. Ce qui était possible l’année dernière, ce que la France eût pu désirer, ce qui aurait alors convenu à nos voisins est aujourd’hui condamné sans retour. L’unité allemande, qui se préparait depuis longtemps, non-seulement est faite, mais faite par la force et le prestige des armes. Des complications extérieures ou des accidens intérieurs peuvent précipiter ou modifier le cours naturel des événemens. Une guerre peut éclater et faire taire toutes les résistances naissantes qui entravent quelque peu la domination du système prussien. Le vent révolutionnaire peut souffler sur l’Allemagne, et, après s’être servi successivement de tous les partis sans inspirer de confiance à aucun, le roi de Prusse peut apprendre un jour qu’il ne s’est élevé si haut qu’en retirant de ses propres mains les supports naturels de son trône. Si au contraire un calme prolongé succède à l’orage de Sadowa, il est permis d’entrevoir déjà, au milieu même de la transformation de l’Allemagne, les idées libérales se réveillant, retrouvant leurs anciens défenseurs, en ralliant de nouveaux, et luttant contre le débordement du césarisme sur l’Europe centrale. Si le vent populaire les soutient, qui sait même si elles ne compteront pas un jour NL de Bismark parmi leurs plus zélés serviteurs ?

Quoi qu’il en soit, on ne peut aujourd’hui pénétrer un avenir plein d’incertitudes, mais notre rôle n’a jamais été celui de ces admirateurs aveugles du succès qui ne songent qu’à le deviner pour l’adorer de loin. En présence d’une profonde révolution comme celle que l’Allemagne traverse en ce moment, sans nous fatiguer soit à sonder l’obscurité des futurs contingens, soit à regretter un passé qui ne ressuscitera point, ne devons-nous pas nous attacher plutôt à juger équitablement le présent ? Peut-être même pouvons-nous dès maintenant reconnaît, de quel côté, comme Français, comme libéraux, et je pourrais ajouter comme amis sincères de l’Allemagne, il nous appartient de porter nos sympathies……


Qu’ajouter à ces considérations fines, ingénieuses, réunies et exposées avec une scrupuleuse et honnête sincérité ? On n’a que des vœux à former pour que, des deux grandes tendances qui se manifestent au-delà du Rhin, la force d’absorption allemande l’emporte sur la force d’absorption prussienne. Il faut proclamer sans cesse que, pour que les destinées de l’Allemagne s’accomplissent par la liberté et par la paix, il importe que la France reprenne l’initiative libérale, et fasse succéder aux manœuvres de la politique des cabinets l’émulation des peuples recouvrant le droit de se gouverner eux-mêmes.


E. FORCADE.