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sud combien ils avaient besoin de la protection de cette dernière puissance, et ils se sont empressés de conclure avec elle cette alliance qui met à sa disposition toutes leurs forces militaires. Lorsqu’il s’est agi de reconstituer le Zollverein, plutôt que d’y renoncer, les états du sud ont accepté toutes les conditions de la Prusse, — entre autres le veto qu’elle s’est réservé dans le futur congrès douanier. Cette union douanière n’est qu’une transition éphémère préparant l’union intime du nord et du sud. — Berlin va avoir le privilège unique de posséder à la fois trois parlemens qui représenteront pour le citoyen prussien ses trois patries : sa patrie étroite, la Prusse ; sa patrie politique, la confédération du nord, et sa grande patrie, l’Allemagne, déguisée sous le nom de Zollverein. Un pareil échafaudage ne peut durer, même en Allemagne, et le parlement de la confédération ne tardera pas à voir s’asseoir sur ses bancs des représentans de toute l’Allemagne ; mais c’est aujourd’hui la Prusse qui voudrait différer ce moment. Elle s’est hâtée de faire voter la constitution de la nouvelle confédération, afin de n’avoir à la discuter qu’avec la portion de l’Allemagne qu’elle y avait admise et pouvoir plus tard l’imposer en bloc aux états qui s’y joindront. Cependant cette garantie ne lui suffit pas. Le gouvernement de Berlin n’ose pas s’opposer ouvertement au mouvement qui amène le sud vers lui ; mais il voudrait le retarder jusqu’au moment où il aura prussifié ses confédérés actuels. Il veut manger l’artichaut feuille à feuille. Il sent bien que l’admission des états du sud apporterait dans les conseils de la confédération un tel renfort aux résistances qu’il y rencontre déjà, qu’au lieu de faire la loi il serait obligé de la subir. Au point de vue français, pour les mêmes motifs, nous devons donc souhaiter que cette union complète se fasse le plus tôt possible. En effet, dans les affaires européennes, elle est déjà faite par les traités, et plus encore par la force même des choses. Les états du sud sont désormais les auxiliaires obligés de la Prusse dans toutes les guerres qu’il lui plaira d’entreprendre. Par l’union politique avec le sud, elle ne gagnera donc pas un soldat : elle trouvera un frein et un contre-poids à son influence dans la direction des affaires allemandes.

Mais, pour que ces résistances puissent s’organiser et s’opposer aux efforts que fera la Prusse pour absorber l’Allemagne, il ne faut pas de guerre extérieure. Peut-on espérer le maintien de la paix ? L’affaire du Luxembourg a posé nettement cette question il y a peu de mois, et elle a fait réfléchir sérieusement tous ceux qui se sont crus alors à la veille d’une guerre terrible. Un faux pas sur le bord de l’abîme rend la prudence aux plus téméraires. Il en a été ainsi entre l’Angleterre et les États-Unis, qui sont devenus bien plus circonspects après avoir failli se quereller à propos de l’affaire du Trent. Parfois sans doute un peuple qui se sent mal à l’aise chez lui est tourmenté du besoin de faire diversion à ce mal aux dépens de ses voisins. Telle n’est pas aujourd’hui la disposition des esprits en Allemagne. La dernière guerre a été, il est