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On doit donc accueillir toujours avec un vif intérêt les travaux sérieux de ceux qui s’attachent à raffermir les bases de la théodicée, lors même qu’ils pourraient avoir méconnu ou plutôt imparfaitement apprécié les besoins de l’esprit contemporain ; sachons-leur gré de leur tentative, et si elle est animée par un sentiment vrai ou relevée par un talent réel, que la sympathie nous conduise à la reconnaissance et nous mette volontiers sur la voie de l’admiration. Ainsi nous mentionnerons avec une haute et sincère estime des ouvrages assez récens, qui, s’ils n’ont pas encore réalisé l’idéal de la philosophie religieuse que réclame le monde, sont au moins d’utiles et nobles efforts en faveur d’une cause qu’il faudra toujours défendre, même avec l’assurance qu’elle ne sera jamais perdue.

M. Naville, qui avait déjà publié sur la vie à venir un intéressant écrit, l’a en quelque sorte complété par sept discours sous ce titre, le Père céleste. C’est une démonstration sommaire de l’existence et des principaux attributs de Dieu, de sa providence conçue suivant la notion chrétienne, sans que l’auteur ait entendu recourir aux preuves particulières du christianisme. Il se conforme à la révélation sans l’invoquer. Il a voulu conserver à son ouvrage un caractère tout philosophique et en accroître la valeur et l’effet par un examen critiqué des doctrines dirigées de nos jours contre l’idée d’un Dieu personnel et libre, auteur du monde et père du genre humain.

Il réduit et l’on peut avec lui réduire à trois systèmes ceux que notre temps lui oppose. Ils ne sont pas absolument nouveaux, mais ils ont pris des formes nouvelles et trouvé des argumens ou plutôt des analogies qui obligent leurs adversaires à se mettre en frais d’un nouvel examen. Le premier et le plus simple est ce scepticisme scientifique qui, sous le nom de positivisme, récuse toute connaissance qui n’est point immédiatement dérivée de l’observation et de l’expérimentation externe, et proscrit ou dédaigne comme une curiosité pour le moins indifférente et oiseuse toute recherche qui du champ des sensations passe dans le champ des idées, comme s’il y avait une seule science naturelle qui pût s’interdire cette prétendue témérité et n’admettre que des faits et des agens accessibles à nos sens et constatés directement par l’expérience. Les Démocrite et les Épicure eux-mêmes n’ont pu rester fidèles à l’hypothèse qui sert de base à cette manière de philosopher, et ceux qui la renouvellent aujourd’hui devraient bien nous expliquer comment ils font, par exemple, pour admettre au rang des connaissances légitimes les sciences mathématiques, qui ont leur principal fondement dans la contemplation par l’esprit humain de la vérité idéale. Un des premiers géomètres de notre pays a publié