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de renoncer aux bénéfices qu’ils trouvent à fournir à la consommation d’une population de plus de 300 millions d’âmes. Ils ont fait mieux. J’ai déjà dit combien le Chinois est attaché à ses vieilles coutumes. Chercher, par exemple, à lui faire modifier la forme de ses vêtemens, à lui faire accepter des étoffes qui n’auraient pas le métrage auquel il est accoutumé, ce serait peine perdue. Aussi les fabricans anglais de Manchester ont-ils monté des métiers destinés à produire exclusivement des étoffes destinées à la consommation chinoise.

Bien que les provinces méridionales de la Chine fournissent du coton en assez grande abondance et de diverses qualités, que de temps immémorial la fabrique chinoise produise non-seulement le nankin si connu en Europe, mais toute sorte d’autres tissus, et surtout ces cotonnades teintes en bleu qui servent à confectionner les diverses parties du costume de la classe ouvrière, les Anglais, grâce au soin qu’ils ont pris de ménager les usages nationaux, ont fini par détrôner, en partie du moins, la production indigène, et par arriver à importer dans le Céleste-Empire une valeur de coton manufacturé chez eux égale au prix de la matière première qu’ils exportent (41 millions en 1863), et à solder leurs achats en produits sans appoint de numéraire. Ils ont même réussi, en faisant monter le prix du coton, à en augmenter la production, et par leur habileté commerciale ils ont su résoudre ce problème d’enrichir à la fois et eux-mêmes et la Chine. Les États-Unis, après avoir éprouvé quelques mécomptes, ont suivi la même voie.

Les lainages ne sont pas inconnus en Chine ni au Japon, mais ils s’y fabriquent généralement mal. Les étoffes de poil de chèvre du Thibet, certains tapis qui valent presque ceux de Perse, voilà en ce genre les meilleurs produits de l’industrie chinoise. Les nombreux troupeaux de moutons de la Mongolie ne donnent, dit-on, qu’une laine de qualité inférieure que l’on n’a pas cherché à améliorer et dont l’exportation ne s’est pas servie. Dans les provinces plus peuplées et plus industrieuses des côtes et du sud, la terre, trop chère pour rester aménagée en prairies, est, quand elle ne sert pas aux cultures industrielles et très lucratives du coton, du mûrier, du thé, plantée en céréales, en riz, dont la récolte suffit à peine à la consommation locale. On est obligé en effet de compléter l’approvisionnement dans l’Inde, dans l’Indo-Chine, à Saigon notamment. Les draps russes, tout défecteux qu’ils soient, pénètrent depuis longtemps en Chine par le nord. On s’y est habitué. Les Chinois sont de longue date en rapport avec le commerce russe, dont ils acceptent volontiers le papier de banque, tandis qu’ils refuseraient, du moins à Pékin, une pièce de 5 francs aussi bien que les guinées anglaises. Les camelots hollandais, certains draps, légers de fabriques