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faire quelque idée. La double exposition du Japon contient en effet diverses variétés de fabrication. Les étoffes riches, où des fils d’or se mélangent dans la trame avec des fils de soie et qui servent à habiller les femmes japonaises de haute naissance, semblent peut-être inférieures aux belles soieries de provenance chinoise ; mais cette apparence tient sans doute à la différence de l’ornementation et à l’emploi de couleurs plus sombres. Le goût chez le Japonais est plus sobre, moins avide d’éclat et de brillant que chez le Chinois. Certaines étoffés de soie exposées, qui servent à l’habillement, affectent même des dispositions de dessin et des nuances que l’on pourrait croire empruntées à nos propres fabriques. Cependant et surtout en ce qui concerne les soieries unies, dont on a de nombreux modèles sous les yeux, la supériorité de l’industrie européenne ne saurait être contestée, car les métiers usités en Chine comme au Japon sont loin encore de la perfection de nos métiers Jacquard.

Les notions que l’exposition fournit sur la Chine et le Japon resteraient incomplètes, si dans ce moment où l’on prend si fort à cœur le développement du trafic extérieur et où une compagnie française, au capital de 60 millions, s’organise pour développer entre l’extrême Orient et la France le double courant d’exportation et d’importation, on n’y ajoutait quelques remarques sur la situation de notre commerce dans ces contrées. Au Japon, tout est encore à faire. Quelques Français se sont établis sur notre concession de Yokohama, en plus grand nombre peut-être, toute proportion gardée, que sur les concessions analogues obtenues en Chine, à Shanghaï, à Canton et ailleurs : certaines maisons anglaises et américaines y ont installé leurs représentans ; mais bien que le commerce de Yokohama ait déjà acquis une certaine importance, on peut dire qu’aucune suite de grandes opérations n’est encore entamée avec l’ensemble du Japon. On étudie le pays, dont on connaît à peine les ressources, les besoins, l’organisation. Trois ports seulement s’ouvrent aux étrangers, Yokohama, Nagasaki, Hiogo, ce dernier depuis quelques jours. Tous les trois sont renfermés dans les domaines particuliers du taïcoun ; ceux des daïmios restent encore inaccessibles. La compagnie française trouvera donc un terrain vierge, sur lequel elle peut profiter des enseignemens que la Chine lui fournit.

On se souvient peut-être de l’enthousiasme avec lequel furent accueillis en France les traités de 1858 et 1860. On imputait aux idées arriérées d’un gouvernement despotique les obstacles mis en Chine à l’introduction du commerce étranger, bien que l’exemple des Anglais prouvât que ces obstacles n’étaient pas insurmontables.