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L’homme disparaît sous une armure défensive, casque à aigrette et oreillères, cuirasse complète de fer et d’étoffes, brassards, jambières, cotte de mailles qui semble disproportionnée à la taille, car la race japonaise est généralement petite, frêle, chétive, d’aspect peu robuste. Les indigènes contre lesquels nos marins ont combattu à Simonosaki sous les ordres de l’amiral Jaurès n’avaient pas encore dépouillé cet attirail, bien qu’ils se servissent également d’armes à feu. Les chefs portaient des cuirasses rembourrées et les troupes du prince de Nagato comptaient encore des soldats armés d’arcs et de flèches. Auprès de ces modèles du harnachement d’un guerrier d’élite figure une collection complète d’armes blanches, quelques-unes fort riches. On connaît la réputation méritée de l’acier japonais. Deux ou trois fabricans sont connus du Japon tout entier, et leurs noms suffisent pour donner une valeur aux armes sur lesquelles ils sont inscrits. il était défendu jadis, sous peine de mort, de vendre aux étrangers ces armes remarquables. Le gouvernement du taïcoun n’a pas maintenu cette défense, comprenant que pour des troupes munies de carabines et de canons rayés les sabres japonais n’étaient que des objets de curiosité.

Du reste le taïcoun n’a plus lui-même en ces vieux instrumens de guerre qu’une médiocre confiance. Deux cent cinquante ans de paix à l’intérieur comme à l’extérieur avaient fait négliger le soin de la défense nationale ; à Yédo, de même que chez les daïmios, on ne trouvait plus que quelques bandes mal armées. Les moyens dont les Européens disposaient pour l’attaque, la lutte entamée ensuite entre le gouvernement taïcounal et quelques-uns des princes, ont fait songer aux réformes. Le taïcoun s’est adressé en même temps aux États-Unis et à l’Europe, demandant à la fois des modèles d’armes perfectionnées, des ouvriers instructeurs qui enseignassent à les fabriquer, des officiers à qui on pût confier le soin d’organiser et de discipliner les soldats. Qu’on examine deux boîtes d’armes qui se voient au pied des deux statues équestres qu’expose le taïcoun : la première renferme un modèle de fusil à aiguille fabriqué au Japon en 1866, avant Sadowa. L’arme est plus petite que le fusil prussien, et l’outillage très complet et très soigné. L’autre boîte contient une carabine rayée munie du sabre-baïonnette. Elle sort aussi d’une fabrique japonaise. Une fonderie de canons installée à Yédo livre déjà des pièces d’artillerie qui en apparence ne diffèrent pas des modèles européens. Une mission d’officiers français récemment installée à Yédo est chargée d’instruire un corps d’officiers et de soldats indigènes qui deviendront ensuite les instructeurs du reste de l’armée. La tâche n’est pas aisée. Néanmoins l’équipement a déjà été changé ; on s’est efforcé de concilier l’uniforme français