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publique et en prescrit l’exécution. On interdit alors absolument le pâturage dans la zone prescrite ; puis l’on construit sur les différens ravins, soit en pierres, soit en clayonnages, des barrages destinés à ralentir le cours des eaux et à empêcher la dévastation des terres. Sous l’influence d’une végétation que ne détruisent plus les troupeaux et des atterrissemens que produisent les barrages, le sol ne tarde pas à se fixer et à devenir propre à la culture forestière. Le reboisement, qui s’effectue soit par plantations, soit par semis, n’embrasse généralement que les parties moyennes et inférieures des pentes, les sommets étant réservés pour recevoir du gazon et être livrés de nouveau au pâturage après le raffermissement des terres. Les essences à choisir de préférence dépendent du climat et de la nature du sol. On a employé avec succès et suivant les lieux le chêne, le châtaignier, le caroubier, le robinier, l’ailanthe, le sapin, le mélèze et les différentes espèces de pins.

On peut dire que cette gigantesque opération est à peine commencée, car la création des pépinières et des sécheries de graines, les reconnaissances de terrains, les travaux préparatoires de toute nature ont absorbé jusqu’ici une grande partie des fonds alloués pour cet objet, et cependant les résultats obtenus sont déjà concluans. L’année 1866, a marqué par des inondations désastreuses ; les départemens du sud-est n’ont pas été épargnés, et des crues violentes et soudaines s’y sont manifestées. Partout où les travaux de consolidation n’ont pas encore été entrepris, ces crues ont causé les dégâts habituels ; partout ailleurs elles ont été inoffensives ou à peu près. Dans la Savoie, un vent du midi très chaud et très violent a soufflé du 21 au 23 septembre dernier et a fait fondre une partie des glaciers et des neiges tombées les jours précédens ; du 23 au 25, des pluies torrentielles n’ont cessé de tomber dans la Haute-Maurienne et ont occasionné une crue extraordinaire de tous les cours d’eau. Ceux dont les rives étaient boisées ou gazonnées n’ont pu affouiller les terres et sont restés inoffensifs, tels sont les torrens de la Grande-Avalanche, du Doron et de Sallanches ; mais les torrens de Sellières, de l’Envers et tous ceux qui coulent à travers une contrée dénudée ont occasionné des éboulemens, enlevé des troncs d’arbres derrière lesquels les eaux s’accumulaient jusqu’à ce que, triomphant de cette résistance passagère, elles se précipitassent dans la vallée, entraînant avec elles tous ces matériaux qui formèrent dans l’Arc un nouveau barrage. Arrêtées dans leur course, les eaux de cette rivière débordèrent à leur tour et emportèrent une partie de la route impériale du Mont-Cenis, du chemin de fer et un certain nombre de propriétés particulières.

Dans les Basses-Alpes, les barrages ont produit d’excellens