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rend l’exploitation forestière fort difficile dans la Guyane, c’est la configuration du sol, qui parait avoir été couvert autrefois d’une série de lacs aujourd’hui desséchés. L’intérieur présente d’immenses savanes et des chaînes de montagnes qui s’abaissent à mesure qu’on s’approche de la côte, et qui à 40 milles environ de la mer ne sont plus que des collines de sable. Ces chaînes courent parallèlement au rivage en coupant à angle droit les cours d’eau qui se dirigent vers l’océan. Il en résulte des cataractes à l’aspect grandiose, mais qui entravent la navigation, et empêchent toute communication entre la région de la plaine et celle des montagnes. La première est habitée par les Européens et livrée à la culture, du moins le long des côtes ; l’autre est couverte d’immenses forêts toujours vertes où se réfugient les tribus indiennes qui fuient devant la civilisation.

Parmi les bois dont la Guyane nous montre des échantillons, le plus précieux est le mora excelsa. Ce géant végétal, qui atteint jusqu’à 60 mètres de haut, et qui, au dire du naturaliste Schomburgk, ressemble de loin à une colline de verdure, croît également sur le sable et sur l’argile, et s’accommode des terrains les plus rebelles à la culture. Le bois du mora est dur, serré, à fibre entrecroisée, très difficile à fendre, mais par cela même très résistant et très propre aux constructions navales. L’écorce peut servir à la tannerie, et dans les temps de disette les Indiens en mangent la graine, qui est considérée comme un remède contre la dyssenterie. Vient ensuite le green heart, qui dans les arsenaux d’Angleterre ne jouit pas d’une moindre réputation que le mora, et qui, dit-on, résiste aux attaques des insectes terrestres et des mollusques marins. Il en est de même du cedrela odorata, que nous avons déjà rencontré, dans les collections du Brésil, et dont le bois sert à faire les caisses pour les cigares de la Havane. Schomburgk prétend qu’après s’être servi pendant quatre années, dans l’eau douce et l’eau de mer, d’une pirogue construite en cedrela odorata, elle n’offrait aucune trace d’usure ni de pourriture.

La Guyane française, est également très bien partagée sous le rapport forestier, On y rencontre notamment l’angélique (dicorenia paraensis), de la famille des légumineuses, qui fournit un bois de première qualité pour les constructions navales, inattaquable par les insectes et les tarets, et qui produit des pièces de 20 mètres de long sur 50 centimètres d’équarrissage. Il en est de même du copaïfera bracteala (purple heart des Anglais), qui ne le cède en rien au précédent, et qui est si tenace qu’on l’emploie de préférence à la confection des plates-formes et des crapaudines des mortiers, comme résistant mieux que tout autre bois aux chocs des décharges de l’artillerie. Dès 1748, le gouvernement français avait songé à