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espérer que l’isolement de la France serait prolongé et que nous obtiendrions moins de ménagemens et d’égards ; mais depuis plus de deux mois il a cessé de compter sur ce plaisir. Le voilà tout accoutumé à la situation nouvelle, elle avait déjà commencé pour lui avant la signature de la convention. »

M. de Barante avait trop de confiance dans le bon sens résigné de l’empereur Nicolas. Devant une nécessité évidente, un despote se résigne à son impuissance, mais non à son déplaisir, et dès qu’une occasion se présente de le manifester sans se compromettre trop gravement, il s’empresse de la saisir. L’empereur Nicolas fit plus que de saisir une occasion semblable, il la fit naître : trois mois après la signature de la convention du 13 juillet 1841, le 30 octobre 1841, le comte de Pahlen, son ambassadeur à Paris, vint me voir, et me lut une dépêche en date du 12 qu’il venait de recevoir du comte de Nesselrode ; elle portait que l’empereur Nicolas regrettait de n’avoir pu faire venir son ambassadeur de Carlsbad à Varsovie, et désirait s’entretenir avec lui, qu’aucune affaire importante n’exigeant en ce moment sa présence à Paris, l’empereur lui ordonnait de se rendre à Saint-Pétersbourg, sans fixer d’ailleurs avec précision le moment de son départ. Le comte de Pahlen ne me donna et je ne lui demandai aucune explication, et il partit le 11 novembre suivant.

Nous ne pouvions nous méprendre et nous ne nous méprîmes pas un moment sur le vrai motif de cet ordre impérial et du départ inattendu de l’ambassadeur. C’était l’usage que chaque année, le 1er janvier et aussi le 1er mai, jour de la fête du roi Louis-Philippe, le corps diplomatique vînt, comme les diverses autorités nationales, offrir au roi ses hommages, et celui des ambassadeurs étrangers qui se trouvait à cette époque le doyen de ce corps portait la parole en son nom. Plusieurs fois cette mission était échue à l’ambassadeur de Russie, qui s’en était acquitté sans embarras, comme eût fait tout autre de ses collègues ; le 1er mai 1834, entre autres, et aussi le 1er janvier 1835, le comte Pozzo di Borgo, alors doyen des ambassadeurs à Paris, avait été auprès du roi, avec une parfaite convenance, l’interprète de leurs sentimens. Dans l’automne de 1841, le comte d’Appony, alors doyen, du corps diplomatique, se trouvait absent de Paris, et son absence devait se prolonger au-delà du 1er janvier 1842. Le comte de Pahlen, après lui le plus, ancien des ambassadeurs, était appelé à le remplacer dans la cérémonie de ce jour. L’empereur Nicolas, encore plein du déplaisir que lui avait causé, dans la convention récente du 13 juillet 1841, l’échec de son mauvais vouloir envers le gouvernement français, ne voulut pas que, si près de cet échec, son ambassadeur vînt rendre à la