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un autre inconvénient, relevé dans plus d’un couplet : c’est de favoriser dans l’adolescence, quand les adolescens se conviennent, une imprudente intimité.

« Couronner une jeune fille, » c’est l’épouser ; mais, le couronnement faisant partie de la cérémonie religieuse, les chants des noces ne se rapportent qu’à la toilette de la fiancée et à son départ de la maison paternelle. Il en est de même en Albanie. On se demandera peut-être quel est en somme le résultat le plus ordinaire de ces unions si bizarrement contractées, tantôt dès l’enfance pour ainsi dire, et par la seule volonté des grands parens, tantôt en vertu d’un choix plus libre et par l’active entremise de personnes fort peu désintéressées. Si Thomas Morus pouvait dire qu’un homme qui se marie ressemble à celui qui mettrait la main dans un sac où se trouveraient, avec une seule anguille, beaucoup de vipères, les femmes sont bien exposées aussi à quelques fâcheuses aventures. Les chants grecs ne le dissimulent pas. Sans parler des lamentations contre les « méchantes » belles-sœurs et contre les belles-mères qui ressemblent à la mère de Constantin, on se plaint aussi des « méchans » maris : « Mon miroir d’Alexandrie, tu me fais toujours laide, — toujours laide, toujours pâle, toujours hâlée. — Je ne suis ni enlaidie par le soleil, ni par le soleil noircie. — Mais j’ai un méchant mari, un fardeau — qui me donne le pain sur le tranchant du poignard — et l’eau de rose sur le revers du verre. »

Tout en tenant compte de ces exceptions, tout en faisant d’un autre côté la part des passions indomptées dont les différentes versions du chant sur « la femme infidèle » présentent un dramatique tableau, tout en réduisant à leur juste valeur les exagérations nationales, on peut affirmer que la Grèce, comme l’Allemagne du nord, les états Scandinaves et les pays anglo-saxons, fournit un très fort argument contre ceux qui prétendent que l’existence du divorce relâche les liens de la famille. Dans peu de pays, ces liens sont plus solides. La femme semble en général satisfaite de sa condition ; mais ce qui met ici le comble au bonheur de l’épouse, et même a ses vertus, c’est l’orgueil d’être mère, ce sont les joies inquiètes et pourtant ineffables qu’elle trouve à nourrir et élever ses enfans. Si elle est un peu la servante du mari, elle devient reine au milieu de ces petits êtres, et la reine la plus tendre et la plus dévouée. Ignorante des distractions qu’une civilisation plus avancée multiplie, surtout dans les grandes villes de l’Occident, autour des jeunes mères, elle s’enferme en son ménage et y déploie avec une infatigable constance les fortes et aimables qualités qui sont la grandeur de son sexe. Aussi ne faut-il pas s’étonner du rôle que joue la mère