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de trouver un époux. On lui apprend de bonne heure que celles qui « s’endorment sous un pommier s’éveilleront flétries comme une pomme, comme une prune comme une cerise de Patras. » Un dialogue entre une fille et un jeune homme qui épuise tous les raisonnemens pour la convaincre donne une idée de la prudence dont elles usent en pareil cas. Les guides spirituels de ces filles avisées sont souvent plus faibles qu’elles. Il suffit de citer l’histoire de la « belle jeune fille » qui vient dans la maison d’un papas pour se confesser. On voit poindre dans le récit de cette entrevue la pensée morale à laquelle Paul-Louis Courier a donné un relief si puissant, dans cette page célèbre où, à propos d’un crime alors récent, il peint la situation périlleuse d’un jeune prêtre écoutant, à travers la grille du confessionnal, les confidences d’une fille de son âge, l’interrogeant sur les plus secrets mystères du cœur et des sens. On n’a jamais rien écrit de plus simple et de plus concluant contre le célibat ecclésiastique.

Cette pensée prend une forme plus accentuée encore quand il s’agit des moines. L’histoire, racontée dans un chant d’Andros, du « diable de calogheros, » qui cache le froc que chaque calogria (nonne) a laissé pour se baigner sur la rive du fleuve, rappelle les virulentes satires du moyen âge. Dans une autre histoire analogue, où figurent un calogheros et une kyra (dame), on trouve brutalement outré un trait finement indiqué dans Tartufe. Le principe même de l’institution monastique est attaqué dans des chants d’un réalisme violent qui montrent la calogria affolée sous la croix et le chapelet, allant à l’église, ne priant point, tout en proie à d’autres idées, entraînée comme malgré elle au cabaret, et là (on croirait lire un pèlerinage dans les couvens roumains) proposant à un pallicare de venir dans sa cellule, où l’attendent « perdrix rôtie et vin doux. » le ton cynique de ces chants fait contraste avec tout ce qu’un calogheros raconte ailleurs de sa propre vie. La première partie de ce récit naïf et plein de vie a une frappante analogie avec les admirables conversations de Luther sur « le temps du papisme, » sur ses jeûnes et ses mortifications ; mais dans la seconde il s’agit bien moins de théologie que d’une « jeune blonde » qui un jour de Pâques décide le moine à maudire les vœux qu’il a faits après avoir été mis au couvent « orphelin, tout petit. »

Le peuple grec, très porté, comme les Germains, à la vie de famille, devait, dès que les cloîtres cesseraient d’être un refuge nécessaire aux insurgés chrétiens, préférer le mariage au célibat monastique. De là la rapide décadence des couvens dans la Grèce indépendante et le prompt développement de la population, si lent dans les pays latins, où le monachisme renaît perpétuellement de