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railler de leurs prétentions, et dans des termes qui sont bien loin d’être toujours d’une parfaite convenance. Comparés aux « caresses du vieillard, » on peut dire que « les coups de bâton du jeune homme sont des ris et de la joie. » Une papadia mariée à un vieux prêtre exprime ses ennuis avec une énergie bien faite pour décourager les folles qui seraient tentées de l’imiter.

Cherchons maintenant dans les chants grecs quelle impression la beauté fait sur les hommes. Si l’on en juge par quelques chants, son prestige ne serait pas moins grand que dans le monde ancien. Le sein de Diamanto, son « sein blanc, blanc comme la neige, » est comparé à la splendeur du soleil et à l’éclat de la lune. Le souffle de la brise marine ayant remué légèrement la robe d’une jeune fille qui « lavait au port » et montré sa jambe, « le port en fut éclairé, — les vaisseaux en furent éclairés, — les galères venaient, et elles en furent éclairées… » Une jeune fille « aux formes angéliques » chante à sa fenêtre les ennuis que lui cause l’absence de son amant. « Des matelots qui entendent sa voix et voient de tels attraits — oublient leurs voiles et laissent leurs rames. — Voyager, ils ne le peuvent plus ; naviguer, ils ne le savent plus. » Quand une blonde à la taille fine, dont les yeux regardent la terre, se met à sourire, son « sourire fait pleuvoir les roses dans son tablier. » Personne n’échappe à l’impression produite par de pareils spectacles. A peine le nautonier a-t-il aperçu Melpomène, « la belle au corps d’ange, » qu’il lui jette « d’amoureux regards ; » à peine l’amante de Rhally a-t-elle paru dans la maison de Dieu, que l’église en tressaille d’un bout à l’autre, le clergé se trouble, « le papas se tait, le diacre cesse d’officier, — et les petits lecteurs laissent leurs livres de prières. »

S’agit-il de traduire l’admiration produite par les charmes d’une belle personne, on emprunte des comparaisons aux trois règnes de la nature. Les expressions « mon âme, ma vie, » indiquent des sentimens plus profonds que les termes d’amour préférés par les Albanais, et trahissent une civilisation plus avancée ; mais les deux nations pélasgiques affectionnent pourtant une même comparaison. Hellènes et Chkipétars aiment à peindre une jeune fille sous les traits d’une perdrix. Il s’agit non de la perdrix grise, au plumage terne, mais de la charmante perdrix rouge ou bartavelle, dont le bec est rose comme le corail des lèvres, dont la gorge est blanche et pure comme le sein d’une vierge, et dont les tarses couleur de pourpre font penser aux brodequins éclatans des césars de Byzance. C’est bien « la perdrix au beau plumage[1] » dont parle un

  1. « Il n’est guère d’oiseau plus brillant par son plumage et de couleurs aussi variées que la perdrix grecque, qui est la grosse bartavelle, » dit M. de Marcellus.