Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/602

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Corinthe, conservé une virilité dont ils donnèrent plus d’une preuve sur les champs de bataille. Le despotisme byzantin n’adoucit point leurs mœurs et ne réussit pas à assouplir leurs caractères. Aussi les habitans de la partie de l’Acarnanie qu’on nomme Valtos et Xéroméro prirent-ils aux luttes des klephtes contre la domination étrangère une part fort active. Si j’ai insisté sur le klephtisme olympiote à cause de l’intérêt spécial qu’inspire de nos jours la Thessalie, et aussi à cause des traditions de toute espèce que rappelle le mont Olympe, je dois constater que les autres contrées où s’établirent les klephtes ne manquèrent ni de types originaux ni d’épisodes dramatiques ; mais il faudrait entrer dans des détails infinis, si l’on prétendait reproduire d’après les chants la physionomie des principaux klephtes.

Quelle que soit la province grecque où l’on étudie la vie klephtique, elle offre partout des traits communs. Les excès inséparables d’une telle profession ne l’empêchaient pas d’être populaire. « C’était un honneur que d’être klephte, disait Théodore Kolokotronis, et le meilleur souhait qu’une mère pouvait faire à son fils, c’était qu’il devînt klephte. » La multitude qui se courbait devant les Turcs était secrètement frère de penser qu’ils n’osaient sans trembler jeter les yeux sur la montagne où brillaient des glaives ornés comme celui de Kontoghiannis, d’inscriptions menaçantes : « celui qui ne craint point les tyrans, — qui vit libre dans le monde, — met son honneur, sa gloire, sa vie, uniquement dans son sabre. » Un Germain n’aurait peut-être pas enfermé toute sa joie dans le sentiment de cette fière indépendance. Des solitudes telles que les pentes merveilleuses de l’Olympe l’auraient autrement ému et inspiré ; mais la nature ne remue pas si profondément des âmes méridionales. Sans doute le klephte salue joyeusement « les forêts, les monts élevés, les sources cristallines, les nuits éclairées par la lune » sans doute quelques traits épars dans les chants montrent qu’il n’est pas insensible aux transformations que les saisons amènent dans la nature, à la beauté du printemps, alors que « les monts verdoient, que les plaines s’émaillent de fleurs, que les rossignols chantent le renouveau sur les hauts lieux et les perdrix dans les campagnes ; » mais, fidèle aux instincts nationaux, il est moins préoccupé du monde extérieur que de sa personne. Tandis que le montagnard albanais dédaigne comme indigne d’un soldat toute espèce d’ornement, qu’il aime à faire contraster la beauté de ses armes avec la pauvreté de ses vêtemens, le klephte se pare d’un long fez rouge incliné avec élégance, sa veste à manches ouvertes est ornée de broderies, son gilet étale plusieurs rangées de boutons, une ceinture de laine ou de soie serre sa taille bien prise, la foustanelle, — jupon blanc à plis innombrables (le kilt celtique apporté