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compagnons d’armes, qu’ils ont enseigné à leurs fils que la mort n’a pas prise sur son cœur d’airain, et que le capitaine invulnérable, bercé par les flots d’azur de la mer Egée, se réveillera au jour fixé par les destinées[1] pour exterminer les conquérans de la Hellade.

On aurait pu croire que les énergiques klephtes de l’Olympe auraient arraché la Macédoine et la Thessalie au joug étranger. Il n’en fut pas ainsi, et l’on peut entrevoir, en plus d’un chant, la cause de cet insuccès. Une partie de la Macédoine est occupée par ces pacifiques Bulgares (Finno-Slaves), dont l’inertie fait dans la péninsule la plus grande force des Ottomans. Dans l’Olympe même, les efforts mal combinés ne correspondirent point à la gravité de la situation. Les Olympiotes, en arrêtant les armées turques dans leur marche vers le sud, pouvaient assurer le triomphe de l’insurrection thessalienne et donner à la Grèce la riche vallée du Pénée (Salamvrias) ; mais l’Olympe s’était épuisé dans sa lutte contre Ali et ses terribles Chkipétars. Les capitaines trouvaient d’ailleurs trop d’avantages dans les fonctions d’armatoles pour montrer une grande énergie patriotique. On était tour à tour klephte dans la montagne, armatole au service turc dans les villes situées au pied de la montagne. En somme, les Olympiotes agirent tard, ne donnèrent point la main aux insurgés macédoniens de la Chalcidique et du mont Athos, et furent à leur tour négligés par les provinces actuellement indépendantes. Le pacha de Thessalonique, Aboulaboul, leur fit plus tard cruellement expier, à eux comme aux Macédoniens, leurs impuissantes démonstrations. L’Olympe ne s’est pas relevé de ses coups, et s’il est difficile de réveiller l’ancienne ardeur parmi les populations helléniques épuisées, il serait encore plus malaisé de soulever les Roumains de ces contrées à cause du peu d’accord qui a régné jusqu’à présent dans les mouvemens des nations indo-européennes de la presqu’île, situation fâcheuse, mais qui, à en juger par quelques nouveaux symptômes, n’est peut-être pas sans espérance.

Les tribus pélasgiques de la Macédoine et de la Thessalie avaient jadis longtemps résisté à l’influence hellénique ; toutefois cette influence, on peut l’affirmer avec l’historien Grote, n’avait guère pénétré dans les sauvages contrées qui s’étendent du golfe d’Arta au golfe de Corinthe. Or telle est la nature de l’homme que ses facultés, au lieu de se développer harmonieusement toutes ensemble, ne se perfectionnent qu’aux dépens les unes des autres, et qu’il ne se civilise qu’en s’énervant. Les Acarnanes et les Etoliens avaient donc, au temps de la décadence des pays situés au sud du golfe de

  1. Cette légende se trouve dans la vie de Marko Kraliévitch. Voyez la Revue du 15 janvier 1865.