Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/598

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

on l’a dit, au temps de Mourad II et de la prise de Thessalonique, il donne une idée assez exacte du découragement des esprits à cette lamentable époque. La situation des Hellènes était en effet excessivement critique des deux côtés de la montagne[1]. Entourés de populations hostiles ou indifférentes, les Olympiotes montrèrent une singulière énergie. Dès la fin du XVe siècle, le gouvernement ottoman fut obligé de reconnaître un vieil adversaire, Kara-Mikhalis, pour armatole du mont Olympe. Ces armatoles, espèces de capitaines de gendarmerie, avaient sous leurs ordres un lieutenant nommé protopallicare, parce qu’il était le premier parmi les soldats ou pallicares, mais en certaines contrées, telles que l’Albanie et l’Acarnanie, où les musulmans, possesseurs de fiefs militaires, se montraient eux-mêmes fort indociles, le pouvoir central ne devait pas attendre une grande soumission des armatoles. Quand ceux-ci avaient à se plaindre des pachas, ils se transformaient en klephtes et allaient rejoindre dans la montagne leurs frères révoltés. De même dans l’Olympe le banditisme et la gendarmerie volontiers se donnaient la main. Au XVIIIe siècle, l’esprit national avait déjà repris tout son ascendant et reconquis, moitié par force, moitié par ruse, une indépendance d’allures que la Porte croyait prudent de respecter. Le goût de l’étude, inhérent à la race hellénique, renaissait dans les villages et jusque dans les bourgades les plus obscures perdues dans la montagne. La science descendait des hauteurs sur la plaine asservie. L’école de Rapsani devint aussi célèbre que Zagora dans le Pélion et Ambélakia dans l’Ossa. Il y eut même, tant la liberté est féconde, une sorte de réveil de la peinture religieuse ; mais la tradition olympiote ne nous apprend point quels étaient sur les frontières de la Thessalie et de la Macédoine les émules de Khristos le Milionis. Nous savons seulement que les Koutsokhristos

  1. De nos jours, elle est bien loin d’être satisfaisante. En Macédoine, les Bulgares ont presque tout envahi, et leur masse a refoulé les populations helléniques vers la mer, où elles se sont maintenues sur une lisière étroite et marécageuse entre Platamona et Kolakia. La péninsule chalcidique est restée grecque. Les Turcs koniarides (venus de Konieh) ont contribué plus tard à ce refoulement dans le Tcherchanbe à l’occident et à l’est depuis Thessalonique jusqu’au Strimon (Karasou). De ce fleuve jusqu’à Makri, le pays hellénique n’est qu’une zone fort resserrée occupée par des marins. À partir de Makri, les laboureurs grecs occupent le sol des deux côtés de l’Hèbre (Maritza) jusqu’à Andrinople au nord, jusqu’à la Mer-Noire au levant, et jusqu’au Bosphore au couchant et au sud. À Constantinople, les Hellènes sont en minorité. Même en Thessalie, au sud de l’Olympe, ils sont loin de former une masse compacte. Dans cette riche province, si anciennement hellénisée, les Turcs se sont établis entre Pharsale et la mer Egée, dans les plus fertiles vallées, et les Roumains, représentans de la conquête romaine, habitent plusieurs cités. — Du reste les ethnographes grecs pensent que cet exposé des choses, accepté généralement par l’ethnographie occidentale, fait la part trop large en Macédoine à l’élément slave.