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littéraires ont eu souvent l’inconvénient de paraître justifier l’absence d’un plan, d’un dessin d’ensemble, et de dispenser jusqu’à un certain point l’auteur de doctrines et de vues générales. Les Causeries sur l’art de M. Beulé expriment au contraire et conseillent une fidélité opiniâtre à certaines vérités préalablement reconnues, à certaines croyances une fois adoptées. Si divers que soient ici les sujets traités, les développemens qu’ils ont reçus tendent tous à populariser des idées du même ordre, à faire prévaloir la même esthétique.

En matière de beau, l’auteur des Causeries sur l’art tient ouvertement et constamment pour les doctrines de l’antiquité, pour le parti classique, — à prendre ce mot dans une acception conforme aux opinions que représente Winckelmann, et non dans le sens étroit ou détourné qu’on lui attribuait il y a quarante ans. Rien de mieux fondé en fait ni de plus sain en principe ; mais peut-être les prédilections si légitimes qu’inspirent au savant écrivain les monumens ou les souvenirs de l’art antique ne laissent-elles pas de le prémunir un peu trop contre les séductions qu’il rencontrerait ailleurs ; peut-être en ne consentant à étudier les lois du beau que dans une série d’exemplaires à peu près uniformes, se donne-t-il parfois le tort apparent d’oublier d’autres témoignages qui, loin de compliquer la thèse qu’il soutient, achèveraient d’en appuyer les argumens et d’en démontrer la justesse.

N’insistons pas au surplus. Lors même que la méthode un peu absolue de M. Beulé autoriserait çà et là quelques objections, elle atteste en général un sentiment trop judicieux de l’art et de sa fonction pour que l’on prenne à tâche d’en souligner, d’en discuter minutieusement certains termes. Mieux vaut, aujourd’hui surtout, rendre hommage à ce qu’un pareil système a de noble en soi et de foncièrement profitable. S’il est bon en effet, à toute époque, de rappeler, comme le fait M. Beulé, que l’art « doit avoir un but moral, c’est-à-dire s’adresser à l’intelligence pour l’instruire, et au cœur pour éveiller ses plus généreux sentimens, » l’avis, à l’heure où nous sommes, semble moins inopportun, moins superflu que jamais. On sait les récentes théories professées par ceux qui ne veulent voir dans la peinture que l’effigie de l’animal humain, dans les inspirations des grands maîtres que les preuves de leur clairvoyance matérialiste, dans l’idéal enfin que la glorification du sensuel. Nous ne nous exagérons pas toutefois les dangers de ces sophismes. Le bon sens public, nous n’en doutons pas, vengera une fois de plus en ceci la cause de la vérité. Néanmoins, par les avertissemens implicites qu’il contient, le livre de M. Beulé est de ceux qui peuvent hâter le moment oû s’accomplira cet acte nécessaire de justice.

Faut-il conclure de ce qui précède que, sur les questions intéressant directement les affaires de l’art contemporain, l’auteur des nouvelles Causeries s’exprime de préférence en termes généraux ou par de simples