Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/525

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rité, et accroîtrait leur force en leur permettant d’accentuer davantage leurs dispositions progressives. L’idée qu’un gouvernement représentatif peut vivre sans partis et sans chefs de partis est une des chimères qu’on a caressées il y a quinze ans, et qui s’évanouira comme les autres avec le régime du silence et de l’inertie. Dans les rangs des partisans les plus dévoués du gouvernement, on doit commencer à sentir que la tutelle administrative ne suffira bientôt plus à l’action de la machine représentative, et que le moment est proche où les opinions en France devront s’organiser en partis. Si cette considération était négligée par les ministres actuels, elle ne laisserait point oisifs ceux qu’on leur donne comme rivaux. Les changemens de ministère deviendraient alors probables, et la confusion des personnes s’ajouterait à celle des choses.

En attendant le débrouillement de la politique gouvernementale, il faut accompagner d’éloges les constans efforts des députés de l’opposition dans la discussion des budgets. Leur vigilance n’est jamais en défaut. MM. Picard, Lanjuinais, Jules Simon, Pelletan et bien d’autres se portent sur tous les points, produisent les justes griefs des intérêts libéraux du pays, et font face avec énergie et honneur aux inépuisables phalanges de commissaires que le gouvernement peut mettre en campagne. Quand on rapproche l’activité et l’autorité d’éloquence de l’opposition du petit nombre de ses membres, on est frappé de la vitalité et de la fécondité des principes qu’elle représente. N’est-il point remarquable qu’il suffise d’une trentaine de représentans libéraux pour soutenir la contradiction contre le gouvernement avec une supériorité oratoire reconnue de tous. Parmi les nombreuses revendications que l’opposition est obligée de soutenir contre les mesures administratives, il lui arrive d’en rencontrer où sont en jeu des principes de premier ordre. De cette nature a été la protestation motivée par la saisie administrative de l’Histoire des Condés au seizième et au dix-septième siècle par M. le duc d’Aumale. Cette saisie fut, on le sait, ordonnée, il y a plusieurs années, par M. de Persigny. Comme elle ne pouvait être justifiée par aucune loi, on lui donna la dénomination de mesure administrative ou d’acte de haute police. Les qualifications de fantaisie ne pouvant être considérées comme supérieures aux lois qui protègent les droits, l’annulation de la saisie administrative a été demandée par l’auteur et l’éditeur à toutes les juridictions. Or les juridictions s’avouent placées dans une impasse par l’acte discrétionnaire du ministre. Les tribunaux civils se déclarent incompétens, et, se fondant sur le fameux article 75 de la constitution de l’an VIII, renvoient les plaideurs au conseil d’état pour obtenir l’autorisation de poursuivre le fonctionnaire auteur de la saisie. Le conseil d’état se déclare incompétent, parce que le ministre de l’intérieur à défini la saisie comme une mesure de haute police ; son arrêt ne semble pas cependant supprimer tout nouveau recours à l’autorité judiciaire, car il déclare « que