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remplie de telle façon qu’on peut dire que jamais sa parole n’a rendu à la France un plus grand service. Il fallait un prodige de modération pour exposer ce grand enseignement sans y mêler des récriminations personnelles et des vivacités de langage qui en auraient troublé la lumière. Si dans l’avenir on tient jamais compte aux écrivains et aux orateurs libéraux de notre époque des efforts qu’ils ont faits pour réparer les fautes ou conjurer les dangers d’un système de gouvernement personnel, la qualité qui devra être le plus admirée en eux, c’est la modération. Pour donner à la critique toute son efficacité, l’orateur et l’écrivain sont obligés à notre époque de remporter à chaque instant des victoires sur eux-mêmes. Il faut se vaincre pour ménager les timides susceptibilités de l’opinion ; il faut sacrifier aux formes atténuées l’expression littéraire, qui est toujours l’expression directe et forte. Ce sont ces miracles de modération que M. Thiers vient d’accomplir, dans sa magistrale discussion des affaires mexicaines. Son désintéressement patriotique se montre avec une telle sérénité que personne ne peut plus lui attribuer de vues personnelles. Tout le monde sent que sa seule et suprême ambition est de faire l’éducation politique du pays et de mettre la France en garde contre les périls des systèmes de gouvernement erronés. Quelle ample matière à redressement d’erreurs. Inexorablement démontrées par les événemens il a trouvée dans les vicissitudes mexicaines ! Il a suivi pas à pas les fautes sans s’attaquer aux hommes. À aucune des étapes de cette malheureuse expédition, personne en France ne s’est laissé entraîner aux illusions par la passion, par l’engouement ; personne n’a exercé sur le gouvernement de pression favorable au développement de cette aventure. Aucun ministre, si l’on en juge par leurs déclarations publiques et par les documens, n’en a fait sa conception et son œuvre personnelles. La chambre, en dépit de la docilité de ses votes, ne l’a jamais vue avec faveur ; elle ne l’a connue que par les faits accomplis ; les phases en ont été marquées pour elle par des surprises. Personne n’a voulu ce qui est arrivé. On parvient au terme de cette série d’accidens qui ont coûté à la France une dépense de 300 millions suivant le gouvernement, de 600 suivant M. Thiers, le sacrifice d’un nombre de vies humaines dont personne ne dit le chiffre, enfin la grande infortuné de l’archiduc Maximilien, et alors se dresse la question fatale : à qui la faute ? La faute est avant tout dans les choses ; elle est dans le système de gouvernement ; cette grande calamité a pu s’accomplir jusqu’à ses plus funestes conséquences, parce qu’aucune résistance efficace n’a pu se produire ni de la part des ministres, ni de la part de la chambre, ni de la part de la presse, parce que l’initiative du pouvoir n’a pu être contrôlée et contenue par des libertés combinées et solidaires. Voilà l’enseignement que nous donne l’expérience mexicaine, et tel a été