Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/488

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Saint-Esprit, celui dont il a été écrit qu’il ne serait jamais remis : c’est à savoir « de considérer le péché comme quelque chose de coupable, et le mal moral comme un mal en soi. » C’est là en effet une révolte contre la nécessité des choses, qui est le Saint-Esprit, selon Hattem. Le seul péché, c’est l’erreur, l’idée inadéquate sur Dieu et sur l’homme, idée qui, nous faisant croire à une séparation de l’homme et de Dieu, nous conduit à admettre une liberté, une responsabilité personnelle, une indépendance de l’individu absolument impossibles. La vraie vertu est de se savoir sans péché. Celui qui a rejeté tous ses anciens préjugés, qui ne se croit plus un sujet en soi, qui est content d’être tel qu’il est, celui-là est saint et sauvé. C’est ce que nous a appris l’incarnation du Verbe. Ce n’est pas une satisfaction du Christ à Dieu, mais de Dieu à nous, car Dieu, étant lumière et amour, n’a pas voulu que nous restassions dans l’erreur en continuant de le considérer comme un être transcendant et nous-mêmes comme des pécheurs. En un mot, « croire n’est autre chose que comprendre. »

Tandis que Van Hattem interprétait le christianisme dans le sens d’un spinozisme rationaliste, un de ses disciples, Jacob Bril, exposait la même doctrine, mais avec une tendance mystique et sous les formes d’un illuminisme nuageux et exalté, comme l’atteste le credo rapporté par M. Van der Linde[1]. « Encore aujourd’hui, nous dit celui-ci, il existe en Hollande des cercles obscurs et isolés où ce spinozisme mystique est la seule consolation de l’âme. Nous nous sommes souvent personnellement convaincu que la croyance fondamentale de ces personnes est un panthéisme inconscient, non mathématique, comme celui de Spinoza, mais biblique. »

Tout en reconnaissant les incontestables analogies que M. Van

  1. Ce document bizarre ne peut être cité que comme objet de curiosité. « Je crois que, en moi-même, je ne suis rien de plus qu’une ombre du corps un, éternel, et que je dois le suivre aussi longtemps que je n’y serai pas absorbé tout entier. — Je crois que je connais, honore, aime, sers la fin la plus élevée de toutes les fins, et que la fin qui est en moi est la fin des fins. — Je crois que l’humanité dans laquelle j’habite n’est point mon humanité, mais l’humanité de celui qui est conçu et né en moi, dont je suis l’honneur et la propriété. — Je crois que tout ce que je pense, dis, fais et souffre, ce n’est pas moi qui le fais, mais celui qui est en moi et qui habite, non dans mon humanité, mais dans la sienne. — Je crois que je suis mort lorsque je suis né, et que je ressusciterai lorsque je mourrai. — Je crois que je suis enseveli dans mon corps, et que lorsque je serai dans mon tombeau, c’est alors seulement que je serai au ciel. Je crois que le monde est à ma gauche, et celui dont le monde est l’ombre est à ma droite. — Je crois que je vois l’invisible par l’œil de celui qui me voit. — Je crois que lorsque l’homme extérieur est enchaîné par les pieds et les mains et plongé dons les ténèbres extérieures, c’est alors que l’homme intérieur voit la lumière, cette lumière où il n’y a plus d’ombre. — Je crois que lorsque je me déclare coupable moi-même, je suis jugé innocent par mon seigneur. Je crois qu’il y a en moi une vie cachée dans laquelle je vivais avant de vivre. Cette vie est une vie vivante, une vie pleine de vie. »