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dangereuse au parti conservateur que ne l’eût été un projet voté sous d’autres influences.

Jusqu’aux futures élections, tout reste en suspens, d’autant plus que personne ne sait même d’une façon approximative quel sera l’accroissement dans le nombre des électeurs. S’il fallait en croire certains organes des classes laborieuses, tels que le Daily Telegraph, cet accroissement serait de plus de 1,200,000 électeurs ; mais, si l’on ignore le nombre exact des sujets de la reine récemment appelés à la vie politique, on sait encore moins comment ces nouveaux électeurs voteront. Que la réforme soit un pas vers la démocratie, personne ne le nie, et M. Bright lui-même l’a dit dans le discours qu’il a prononcé au dernier dîner de la corporation des marchands de poisson (fishmongers). Il a reconnu que la nouvelle loi électorale était plus démocratique que celle des États-Unis d’Amérique, et il a ajouté que c’était là un acheminement de l’Angleterre vers le système républicain. Cependant, les organes les plus accrédités de l’opinion publique l’ont déclaré, la liberté est en danger en présence des unions. Et de tous côtés on se demande : Que peut-on y faire ?

Une chose que l’on peut faire, c’est de déclarer hautement que l’on ne passera pas sous le joug de gens tels que M. Broadhead et Cie et d’agir ensuite en conséquence avec ce courage moral qui n’a jamais fait défaut aux Anglo-Saxons. Les ouvriers de la Grande-Bretagne sont en nombre rond environ 11 millions, et quand ils peuvent parler librement, sans crainte d’être envoyés à Coventry, ils déplorent l’action tyrannique exercée sur eux par 800,000 unionistes, fléau des maîtres et des capitalistes aussi bien que des travailleurs salariés. Que tous ceux qui ont eu à souffrir de cette oppression s’entendent et se réunissent ; la liberté de s’assembler et de se concerter n’appartient pas seulement en Angleterre aux insensés et aux misérables qui en ont fait un tel abus. Le Times disait, il y a peu de temps, qu’il fallait que tous les fabricans, que tous les maîtres s’entendissent pour repousser des usines, ateliers et manufactures, tout individu lié à ces immorales sociétés.

Si l’on prend une résolution vigoureuse, en offrant aux ouvriers libres, qui constituent une si grande majorité, les légitimes avantages dus à la probité laborieuse, avec des conditions qui, sous une forme quelconque, les déterminent dans leur propre intérêt à multiplier et perfectionner les produits de la main-d’œuvre, on portera ainsi un coup mortel aux unions et à leurs absurdes règlemens. Le moment est opportun, l’enquête de Sheffield a commencé l’œuvre de réparation, les rapports de lord Granville et du docteur Playfair font voir, d’après les résultats de l’exposition universelle de Paris,