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nommé membre du parlement aux premières élections qui suivirent la réforme électorale de 1832, et y prit une position indépendante de tous les partis, portant la franchise envers tous parfois jusqu’à la rudesse. Depuis 1847, il est un des représentans de cette même ville de Sheffield, qui a été récemment le théâtre des crimes odieux commandés par les chefs des unionistes.

Pour en revenir aux résultats de l’enquête et sans entrer dans des détails qui nécessiteraient de très longs développemens, nous nous bornerons à constater certains faits graves ressortant des procès-verbaux qui ont été déjà publiés par ordre des commissions elles-mêmes. L’action des trades’ unions s’exerce d’une façon contraire à la liberté du travail et aux intérêts du public, et les demandes des ouvriers, appuyées généralement par des grèves, pour obtenir une augmentation de salaire ou une diminution dans les heures de travail[1] ne sont pas justifiées par la situation du marché, ou par des motifs raisonnables. Ces demandes, les chefs des unions l’ont reconnu eux-mêmes, se produisent toutes les fois que les ouvriers se croient en mesure de dicter la loi. « Nous tâchons de prendre aux patrons le plus que nous pouvons, ont dit dans leurs dépositions les secrétaires des unions ; le reste ne nous regarde pas. »

Un autre fait non moins important dont le public a eu la preuve, c’est qu’au lieu d’encourager l’activité des travailleurs et de récompenser leur habileté, les unions s’efforcent par tous les moyens possibles de diminuer la quantité du travail produit, et, chose bizarre qui s’était déjà manifestée dans d’autres pays, semblent protéger particulièrement la médiocrité. Dans la grève qui, le 26 mars dernier, a arrêté tout mouvement sur le chemin de fer de Brighton, la demande sur laquelle les mécaniciens et les chauffeurs insistaient spécialement était de faire obtenir aux moins actifs, aux moins habiles, les mêmes avantages que la compagnie fait aux ouvriers de premier ordre. Si ces tristes tendances et ces manœuvres n’avaient été avouées par les chefs, on se refuserait à croire qu’un ouvrier actif et intelligent qui, après avoir achevé sa journée réglementaire, travaille quelques heures de plus est, en vertu des règlemens secrets, mis à l’amende. Qu’il aille se griser au cabaret, rien de mieux ; mais qu’il se garde bien de tâcher d’augmenter son bien-être et celui de sa famille par un travail supplémentaire, car,

  1. Il se produit parfois dans ces grèves des incidens bien caractéristiques des mœurs anglaises. Ainsi, le lendemain d’une grève de cochers de fiacre, on voyait placardée dans toutes les voitures de place l’affiche suivante : « les cochers de fiacre n’ayant pas la faculté de refuser de travailler le dimanche, et se trouvant privés par là de pouvoir sanctifier le jour du Seigneur, font appel à la piété du public, afin que grâce à cette considération il veuille bien ne pas prendre de voitures ce jour-là. »