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de sa majesté, il n’éprouvera pas au moins le remords d’avoir manqué à ce qu’il doit à Dieu, à ses obligations les plus sacrées, au saint-siège et à la postérité[1]. »

Le même courrier qui portait cette objurgation de Pie VII, indirectement adressée au chef du gouvernement français, lui apportait aussi la nouvelle de la démission du cardinal Consalvi. Le cardinal secrétaire d’état l’annonçait lui-même au légat.


« Certainement, disait-il dans sa dépêche confidentielle au cardinal Caprara, la dernière qu’il ait écrite comme ministre de sa sainteté, certainement si, lorsque je négociais le concordat à Paris, quelqu’un m’avait dit que sous peu de temps j’apparaîtrais au gouvernement français sous l’aspect d’un ennemi, j’aurais cru rêver. Mon caractère, mes principes, ma qualité, toute ma conduite connue du public, me dispensent de me justifier. Je déclare solennellement sur mon honneur (et toutes mes actions ont prouvé combien il m’est cher) que mes adversaires m’ont indignement calomnié et que je suis entièrement innocent… Cependant je ne puis ni ne dois, étant considéré par le gouvernement français sous de si fausses couleurs, conserver un poste dans lequel non-seulement je ne saurais plus être utile, mais où je pourrais devenir la cause, quoique innocente, de très graves inconvéniens. Je suis trop attaché au saint-siège, à mon souverain, à mon bienfaiteur et à mon pays pour ne pas me considérer comme obligé d’écarter par ma retraite les maux qui pourraient résulter de ma présence… Sa sainteté a agréé ma démission… Le saint-père, en s’y décidant, a eu pour objet de satisfaire l’empereur et de lui donner une preuve de son désir de conserver la bonne harmonie avec son gouvernement en écartant tout ce qui pouvait la compromettre. Je vais céder immédiatement mon poste à mon successeur, et je me retirerai complètement des affaires… Je désire de votre éminence une seule grâce, à laquelle mon honneur est intéressé, c’est qu’elle veuille bien saisir les occasions favorables qui pourraient se présenter pour faire connaître mon innocence et obtenir qu’on me rende justice. Cette faveur excitera toute ma reconnaissance[2]. »


Napoléon avait, nous le croyons, travaillé contre lui-même en obligeant Consalvi à quitter la secrétairerie d’état. Il est toujours bon, même pour des adversaires, que les places considérables et la conduite des grandes affaires soient remises aux plus habiles, surtout lorsque ces habiles sont en même temps des hommes consciencieux et modérés. Cette faute d’avoir écarté des conseils du saint-père, le ministre le plus capable, Napoléon eut le mérite, disons même le

  1. Note du cardinal Caprara à M. de Talleyrand, 14 juin.
  2. Dépêche particulière du cardinal Consalvi au cardinal Caprara, 17 juin 1806.