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saint-siège cédât non-seulement à ses exigences, mais encore qu’il acceptât et qu’il reconnût ses principes. Cela, le saint-père ne le pouvait faire en conscience, et certainement il ne le ferait pas. »

L’heure était venue pour le saint-siège ou de céder ou de périr, heure prévue depuis le commencement du débat par Pie VII et son ministre. Cependant il y avait encore aux yeux de Consalvi un moyen, sinon d’écarter définitivement, au moins d’éloigner quant au présent le danger d’une chute probablement inévitable : c’était que le saint-père voulût bien lui permettre de quitter la secrétairerie d’état. Il n’avait pas cessé de le lui demander depuis le jour où l’empereur, épousant tout à coup la haine passionnée de son oncle, avait presque fait du renvoi du ministre de sa sainteté la condition de sa réconciliation avec la cour de Rome. Pie VII n’avait jamais voulu se prêter à un pareil accommodement. Il lui avait semblé qu’il ne pouvait l’accepter sans manquer à sa dignité comme souverain et à l’affection qu’il portait à son très zélé et très aimé serviteur. Il avait contraint Consalvi de rester à son poste. Il ne voulait pas, disait-il, donner cette marque de condescendance et de faiblesse lorsque de si graves questions s’agitaient entre l’empereur et lui. S’il commençait en effet à témoigner quelque frayeur, Napoléon se flatterait certainement de le faire également céder sur tout le reste de ses prétentions[1].

Ces raisons étaient fortes, et Consalvi avait dû obéir. Maintenant il lui semblait au contraire qu’il abuserait des bontés du pape, s’il consentait à s’éterniser au ministère. Sa retraite ouvrirait peut-être l’unique chance qui restât de sauvegarder les droits du saint-siège. Le pape était plus que jamais décidé à faire une réponse défavorable aux demandes impériales ; il n’était guère douteux qu’en apprenant son refus Napoléon se laisserait aller à quelque accès d’épouvantable colère. Peut-être son ressentiment s’apaiserait-il toutefois un peu, s’il apprenait en même temps que le saint-père lui avait enfin fait le sacrifice d’un ministre qui lui était devenu personnellement odieux. Il y avait de plus à son éloignement des affaires cet avantage, qu’il obligerait le chef du gouvernement français à reconnaître que les refus persistans du saint-père ne lui avaient pas été inspirés par l’influence de son secrétaire d’état, et que Pie VII se décidait et agissait par lui-même. Qui sait si Napoléon, désespérant de triompher du saint-père lui-même, ne ferait pas alors un pas en arrière ? Il le pouvait du moins et sans crainte de s’humilier. Pie VII céda avec tristesse aux instantes prières de Consalvi. Il lui en coûtait beaucoup de se priver des avis d’un conseiller si sage,

  1. Mémoires du cardinal Consalvi, t. II, p. 475.