Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/435

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

décret incriminé. Bien loin d’avoir voulu, par ce décret, exciter les sujets du pape contre les Français, le ministre du saint-siège avait poussé la précaution jusqu’à insérer dans son préambule des expressions honorables et gracieuses pour le gouvernement de l’empereur. Parmi les motifs qui obligeaient le saint-père à demander à ses peuples ce subside momentané, il avait eu soin de mettre en première ligne ceux qui avaient nécessité l’établissement d’un cordon sanitaire du côté de Livourne, les dégâts causés par un débordement du Tibre et d’autres frais extraordinaires ; ce n’était qu’après avoir cité toutes ces causes de dépenses que le préambule du décret parlait enfin des frais qu’avait entraînés le passage des troupes françaises. Il y était dit avec la plus grande précision qu’il ne s’agissait en cette occasion que d’un prêt dont le remboursement était assuré, la France ayant promis de restituer les dépenses faites pour son armée.. Le cardinal Consalvi n’avait pas plus de peine à établir, par les termes mêmes du décret, que cette imposition ou plutôt ce prêt avait été prélevé non pas sur toutes les classes de la population, mais seulement sur la classe aisée des propriétaires de terres[1] ; il se trouvait enfin que c’était le général Lemarrois, commandant d’Ancône, qui, le premier, avait mis en avant l’idée de recourir à cet impôt. Ainsi tombaient à plat les premières allégations du cardinal Fesch, car tout était irrécusable dans les détails fournis par le cardinal Consalvi au légat, tandis que rien n’était au contraire moins fondé que les affirmations par lesquelles l’empereur soutenait ne plus devoir un seul écu au trésor pontifical. A Rome, la légation française était de meilleure foi, et ne pouvait s’empêcher de reconnaître que le saint-père était en avance d’une somme de 1,500,000 piastres environ, somme bien lourde alors pour ses finances[2].

Relativement à l’accusation de souffrir à Rome des rassemblemens de bandes qui, de connivence avec le gouvernement, se proposeraient d’assassiner les soldats français isolés, le cardinal Consalvi ne la pouvait repousser sans une certaine émotion indignée.


« L’empereur, s’écriait-il, a été trompé par de faux rapports… A l’assertion que les chefs de bandes et les hommes qui se sont fait connaître

  1. Note du cardinal Caprara à M. de Talleyrand, ministre des relations extérieures (derniers jours d’avril ou premiers jours de mai 1806).
  2. « Le cardinal Consalvi m’a dit que les dépenses occasionnées par nos troupes s’élèvent déjà à 1,400,000 piastres, somme qui s’accroissait chaque jour de 4 ou 5,000 piastres pour l’entretien de la garnison d’Ancône, etc… Je répondis que je croyais que la France avait remboursé les avances faites ou donné du moins des à-compte. Le secrétaire d’état me protesta qu’on n’avait absolument rien donné, et je ne peux pas dissimuler que cette assertion m’a été confirmée par le cardinal Fesch. » — Dépêche de M. Alquier, 17 mai 1806.