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aurons à parler plus tard, son représentant à Paris, afin de complaire à Napoléon, avait pris sur lui de transgresser ouvertement ses instructions les plus formelles. A la fascination que le glorieux chef de l’empire français exerçait depuis longtemps sur l’imagination du faible prélat romain, un autre genre de séduction était venu s’ajouter dans ces derniers temps, dont l’origine était moins noble : c’était en effet à l’aide de la munificence impériale que le cardinal avait pu se tirer des embarras financiers où l’avaient jeté un certain laisser-aller et le goût de tenir à Paris un très grand train de maison. Tel était le peu de confiance du saint-père et de son ministre dans les dispositions du représentant qu’ils étaient bien malgré eux obligés de maintenir à Paris, qu’ils n’osaient plus s’en remettre à lui de la rédaction des notes qu’il avait à passer au gouvernement français. Au lieu d’instructions détaillées et précises, comme en pareilles occasions les chancelleries d’état ont coutume d’en envoyer à leurs ministres au dehors, le Vatican adressait au cardinal Caprara des dépêches toutes faites qu’il était censé adresser de lui-même au ministre des relations extérieures du gouvernement français et qu’il n’avait plus qu’à signer. Ces notes, le légat, effrayé de leur teneur, les remettait presqu’en tremblant, et sa correspondance avec sa cour laisse trop apercevoir que, s’il les appuyait de sa parole, c’était du bout des lèvres, afin surtout de dégager sa responsabilité, et presque pour la forme. L’attitude du légat à Paris ne nuisait pas seulement au saint-siège par la mollesse qu’il mettait à défendre les intérêts dont il était chargé, elle avait pour le Vatican un plus fâcheux inconvénient : elle donnait à supposer à l’empereur que cette disposition servile d’un membre du sacré-collège devait être commune à la majorité de ses collègues italiens. Elle le confirmait dans la funeste pensée que par la pression et les menaces il viendrait aisément à bout de la résistance de l’église romaine, et qu’aux jours de l’épreuve définitive les plus hauts dignitaires ecclésiastiques seraient les premiers à peser de tout leur poids sur le saint-père pour lui arracher les concessions nécessaires et l’obliger à se séparer de son récalcitrant ministre. Ainsi le cardinal Caprara, sans être, non plus que le cardinal Fesch, animé d’aucune mauvaise intention, et justement parce qu’il était au contraire aussi docile et faible que le ministre de France à Rome était intraitable et obstiné, rendait, lui aussi, les plus mauvais services à la cause du saint-siège. Consalvi ne pouvait pas en effet rencontrer un plus inutile et plus compromettant auxiliaire.

Il en était tout autrement pour l’empereur de M. de Talleyrand. Son ministre des relations extérieures était à coup sûr l’homme du temps dont l’entremise lui pouvait être la plus précieuse dans les démêlés avec l’église. En sa qualité d’ancien évêque, M. de