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d’une réconciliation plâtrée. Son ressentiment contre le ministre du pape s’en trouvait en réalité considérablement augmenté.

Les personnes qui ont pris part aux affaires savent par expérience combien les susceptibilités particulières des ministres étrangers peuvent ajouter de complications fâcheuses aux rapports des cours qui ont à débattre entre elles les plus graves intérêts publics. Il ne serait cependant pas juste de trop atténuer en cette occasion la responsabilité de l’empereur en aggravant démesurément celle de son impétueux ambassadeur, et ce serait commettre une grande méprise historique que de mettre uniquement à la charge du cardinal Fesch l’aigreur croissante qui allait envenimer de plus en plus les rapports déjà si difficiles de l’empire avec l’église romaine. Napoléon n’était pas homme à épouser à la légère les querelles de qui que ce soit, encore moins celles de son oncle, qui s’en faisait beaucoup, et sur le compte duquel il était loin d’entretenir aucune illusion. L’entraînement auquel cédait le chef du gouvernement français n’avait rien de puéril ni de mesquin comme les emportemens du cardinal : c’était celui d’un orgueil démesuré et d’une insatiable ambition ; mais ni l’orgueil ni l’ambition ne l’avaient encore rendu aveugle en ses desseins. Personne mieux que lui ne savait alors ce qu’il voulait, et personne n’était plus habile à calculer ses pas, à mesurer d’avance la force et la portée des coups qu’il entendait frapper. C’est pourquoi, lorsqu’il avait résolu de ne plus s’adresser directement lui-même au pape, il s’était bien gardé de choisir désormais son oncle pour intermédiaire habituel avec le Vatican. Il sentait que le cardinal Fesch malgré ses violences était bien disposé au fond pour la cour de Rome ; il n’avait pas d’ailleurs assez de confiance dans la rectitude de sa tenue, dans la modération de son langage, dans l’habileté de sa rédaction diplomatique. Au point où les choses en étaient venues, et disposé déjà à prendre contre le saint-père des mesures militaires de plus en plus rigoureuses, il prévoyait que la présence d’un ambassadeur ecclésiastique cesserait bientôt d’être tenable à Rome ; dans sa pensée, il lui avait même donné à l’avance un successeur laïque. De leur côte, le saint-père et Consalvi, depuis l’éclat des dernières scènes, montraient peu d’envie de traiter avec le prélat. Ils gardaient à son endroit tous les dehors convenables, mais ils ne lui parlaient plus qu’en cas de nécessité absolue des affaires pendantes. Officiellement le cardinal Fesch continua de rester quelque temps encore le représentant de la France à Rome. Comme par le passé, il reçut régulièrement par le canal du ministre des affaires étrangères communication des volontés et des ordres de l’empereur. Il ne cessa pas surtout d’écrire, suivant son habitude, de longues dépêches pleines d’acrimonie contre le cardinal Consalvi. Ce qui se passait à Rome sous ses yeux, les faits même les