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partout ici : Où sont-ils les temps heureux de M. Cacault pendant lesquels éclataient de toutes parts la bonne foi, la confiance réciproque et l’union la plus étroite des deux gouvernemens ? La France s’est-elle trouvée mécontente de ce qui s’est passé entre elle et le Vatican dans ces temps-là ? N’est-ce pas à Rome le même pape et le même ministre qu’alors ? D’où peut-il venir que ceux-ci aient pu changer leurs sentimens envers la France après s’être au contraire attachés à elle par des liens plus étroits, à savoir le concordat et le voyage du saint père à Paris ?… Les hommes les plus perdus dans l’opinion publique l’emportent aujourd’hui sur le gouvernement de sa sainteté et sur son ministère. Ce gouvernement est pourtant celui qui a donné à toute l’Europe l’exemple le plus frappant de l’oubli du passé, de la modération, de la douceur, de l’attachement à la France le plus sincère et le plus amical, jusqu’à être cité en exemple à tous les autres. Quel ministre que celui qui a fait le concordat, et qui, en le faisant, a uni toutefois sa cause à celle de la France, car il faudrait n’avoir pas le sens commun pour ne pas comprendre cela ! En disant celui qui a fait le concordat, je pourrais m’arrêter là, car j’aurais tout dit ; mais je veux ajouter : celui qui a usé de toute son influence pour que le saint-père vint en France. Oui, excellence, que l’on interroge tous ceux que l’on voudra, et la vérité saura paraître… J’ai voulu verser mes amertumes dans le sein de votre excellence. Je lui laisse à imaginer combien sa sainteté, qui est instruite de cette lettre, est elle-même affectée, après son voyage en France, de voir se produire des effets si contraires à son attente ; sa patience vis-à-vis le cardinal Fesch commence à se lasser[1].


Quant à la patience du cardinal Consalvi, elle était, comme on le voit, à peu près à bout. Il résulte en effet non-seulement de cette lettre écrite avant les derniers événemens, mais des Mémoires du cardinal Consalvi, qu’à l’époque où éclata ce grave différend, la brouille entre l’ambassadeur de France et le ministre du pape était depuis longtemps déjà avérée et publique. Elle en était venue à ce point que Rome entière en était informée. Le cardinal Fesch, au vu et su de tout le monde, se gardait tant qu’il pouvait d’aller chez le ministre du saint-siège ; quand il le rencontrait, il évitait de lui parler et parfois de le saluer. Sans mesure en toutes choses, il n’avait rien eu de plus pressé que de se lier intimement avec les ennemis cachés ou patens de Consalvi, de prendre leurs conseils et d’entrer dans toutes leurs intrigues pour lui faire quitter plus tôt le ministère. Tandis qu’il passait sa vie dans l’intérieur d’une famille romaine dont le chef par soif de lucre et la femme par vanité, nous dit Consalvi, s’étaient mis à la tête de la cabale, il s’étonnait et

  1. Lettre confidentielle du cardinal Consalvi à M. de Talleyrand. Vie du pape Pie VII, par M. Artaud, t. II, p, 107.