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longtemps connues du secrétaire d’état. Déjà même il avait essayé d’en amortir l’effet en s’adressant à M. de Talleyrand, avec lequel il était entré en relations et presque en amitié pendant le temps de son séjour à Paris. Dans sa missive confidentielle, Consalvi a grand soin d’expliquer fort au long l’origine, les motifs et les progrès de l’inimitié que lui portait le ministre de France à Rome. Comme il pensait sans doute avec raison que sa lettre, toute privée qu’elle fût, serait vraisemblablement mise sous les yeux de Napoléon, il n’a garde de laisser échapper cette occasion de parer autant que possible aux coups qui lui étaient portés de Paris ; c’est pourquoi il rappelle avec insistance les sentimens de partialité envers la France et d’admiration pour son glorieux chef dont il a jadis fourni les preuves, et qui, assure-t-il, ne cessaient point de diriger encore aujourd’hui toute sa conduite.


« Ce n’est pas au ministre des relations extérieures que j’écris, mais à M. de Talleyrand, qui m’honore, je m’en flatte, de sa confiance et de son amitié… Pardonnez sa franchise à un cœur blessé dans ses sentimens les plus chers, et permettez-moi de vous dire que depuis l’époque du voyage de sa sainteté à Paris je suis devenu l’être le plus odieux à Mgr le cardinal Fesch. Ce voyage n’a pas été l’ouvrage de celui qui a voulu s’en donner le mérite en France. Il aurait été décidé en vingt jours au lieu de six mois, si on l’eût négocié avec tout autre que le cardinal Fesch. Jamais il n’aurait eu lieu, si la patience de celui que le ministre de France poursuit de sa haine ne fût arrivée vis-à-vis de lui jusqu’à la lâcheté en endurant des traitemens qu’un homme d’honneur n’est justifié d’avoir souffert que par l’envie que j’avais de ne point faire manquer une affaire aussi considérable. Ce voyage n’a été que l’effet de la bonne volonté du saint-père, de mes soins, de ma sollicitude, de ma prévoyance et de mon courage à écarter et à vaincre tous les obstacles. Ce voyage, tout le monde à Rome et ailleurs le regarde comme mon second ouvrage après le concordat. Eh bien ! qui pourrait le croire ? c’est ce voyage qui a été la cause fatale du changement de son éminence vis-à-vis de moi. Tous les égards que j’ai eus pour lui avant cette époque, tous ceux que depuis je n’ai pas cessé de lui témoigner, toutes mes attentions, toutes mes politesses, oserais-je le dire, faveurs, condescendances, tout a été inutile. Le cardinal n’a plus voulu considérer en moi qu’un homme qui, dans cette occasion, avait écouté de ses oreilles, vu de ses yeux des actes de violence, des paroles, des scènes que son éminence voudrait bien n’avoir pas à se reprocher, un homme enfin, faut-il prononcer le mot ? vis-à-vis duquel il a lieu de rougir. Par ces raisons-là, il désire maintenant culbuter celui qu’il ne croit pas capable d’oublier, en quoi cependant il a bien tort. D’autres motifs s’ajoutent encore à ceux-ci pour rendre invincible sa haine contre moi ; mais je ne dois ni ne veux les détailler…… On se demande