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Des ordres furent expédiés au consulat-général d’Alexandrie. Sûr de cd côté, le chef de la compagnie repartait aussitôt pour Constantinople, exposait au divan dans un memorandum l’ensemble des faits qui s’étaient produits, et enfin obtenait du gouvernement ottoman une déclaration d’acceptation en principe de ses projets. La Porte invitait les puissances à se mettre d’accord sur les questions que le projet soulevait au point de vue international, après quoi elle s’engageait à rendre immédiatement le firman d’autorisation des travaux.

A partir de ce moment, une phase nouvelle, une ère de tranquillité relative s’ouvrit pour les travailleurs du canal maritime. Sans entrer dans le détail de leurs progrès successifs, des difficultés sans nombre qu’ils eurent à vaincre à l’origine pour fonder leurs premiers établissemens dans le désert, nous énumérerons sommairement les résultats atteints pendant les années 1861 et 1862. Il fallut assurer la subsistance des campemens établis sur les différens points du parcours par des moyens qui se modifièrent à mesure que s’accroissait l’importance de ces rassemblemens. Damiette pourvut d’eau tout d’abord les chantiers de la partie nord du canal, sur laquelle une première rigole maritime assura le batelage à travers les 60 kilomètres de lagunes. Le canal qui devait amener l’eau du Nil jusqu’au centre du désert fut creusé en neuf mois ; le 10 janvier 1862, il arrivait au lac Timsah et permettait de pourvoir aisément à l’approvisionnement des 20,000 fellahs du seuil d’El-Guisr. Le service des corvées se faisait régulièrement ; arrivant successivement de toutes les provinces de l’Égypte, les bandes de corvéables passaient chacune environ un mois sur les chantiers, puis repartaient après l’accomplissement de leur tâche, emportant leur salaire ; des inspecteurs veillaient sur ce service. Des ambulances organisées avec soin, des magasins distribuant les vivres au prix de revient, assuraient autant que possible le bien-être des travailleurs. Des milliers d’Arabes, ouvriers volontaires recrutés par la compagnie, s’adjoignirent successivement aux ouvriers européens, ce qui donna les meilleurs résultats. A la fin du mois d’avril 1862, la première pierre de la ville de Timsah avait été posée sur les bords du lac. Le 18 novembre suivant, le seuil d’El-Guisr, où l’on avait creusé sur toute la longueur un chenal au niveau de la mer, laissa les eaux amenées par la rigole des lacs Menzalèh se répandre pour la première fois sur les fonds desséchés, du lac Timsah. Les contingens, portés plus loin vers Suez, écrêtaient sur tout le parcours du canal les terres élevées qu’il devait traverser. Le canal d’eau douce était également poussé vers Suez. Dès ce moment, l’expérience avait victorieusement triomphé des adversaires de l’entreprise et des objections tirées de la nature