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concentre toute l’activité de Port-Saïd. C’est là que l’immense matériel du canal maritime, envoyé de France, subit la dernière préparation, qui consiste dans le montage. Les constructeurs français à qui ont été commandées les machines sont chargés également de les monter sur les lieux ; la maison Gouin et la Compagnie des Forges et chantiers de la Méditerranée ont chacune leur chantier spécial, Moitié sur terre, moitié sur les eaux, où flottent les chalands, les plates-formes des appareils en construction ; les pièces de tôle, rivées rapidement, s’ajoutent l’une au-dessus de l’autre pour former la membrure des dragues et des élévateurs. Une longue rangée de ces derniers appareils, dont les immenses plans inclinés dominent la plaine et signalent Port-Saïd à 5 ou 6 lieues de distance, occupe tout le pourtour de l’un des bassins.

Des ateliers de fonderie, d’ajustage, de chaudronnerie, au service de l’entreprise Borel et Lavalley, servent principalement à l’entretien et à la réparation du matériel. Le personnel ouvrier est à moitié européen, à moitié arabe ; il y règne une grande activité. Des cales de construction supportent les chalands et les derniers porteurs à vapeur en montage. Ailleurs un chantier anglais achève de disposer le matériel nécessaire à la nouvelle opération de transit de marchandises entre Port-Saïd et Suez. Les pièces de fer, débarquées des navires, numérotées et dressées avec soin, viennent se ranger sous les grues qui doivent les mettre en place. Le marteau des riveurs fait résonner la tôle : c’est le règne du fer par excellence.

Chaque jour, quelque nouvelle machine prend la route du sud, remorquée par un vapeur, et s’achemine vers le point des travaux où sa place est marquée d’avance ; nous avions croisé sur notre route plusieurs de ces convois. Lorsque dans quelques mois la totalité des engins aura été mise en œuvre, les travaux de Port-Saïd changeront un peu de caractère : l’entretien de l’immense matériel de l’entreprise, évalué à 50 millions, en sera désormais le principal objet. On pourra donc dire, en empruntant une comparaison à la physiologie, que si la tête de l’entreprise est à Ismaïlia, c’est à Port-Saïd qu’est le cœur, car c’est ici que viendra incessamment se régénérer la force vive répartie sur cet immense chantier de 40 lieues de long. Les ateliers que nous avons décrits fourniront et au-delà les ressources nécessaires. Tous les moyens d’action concourront dès lors au dernier but à atteindre, l’approfondissement définitif du canal maritime.


III

L’histoire du canal maritime de Suez remonte en quelque sorte au règne de Méhémet-Ali. M. F. de Lesseps, alors consul-général à