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kilomètres 1/2, enfin de construire la jetée est, opère ce travail au moyen d’énormes blocs de 10 mètres cubes en mortier hydraulique, construits à terre et immergés avec des bateaux porteurs. Ce procédé, dans un pays dépourvu de pierres, où par suite le béton ne pouvait être employé, a été reconnu le plus pratique. La chaux hydraulique des carrières du Theil en Dauphiné est apportée par des navires ; le sable, qui entre pour deux tiers dans la fabrication du mortier, est puisé à 100 mètres du chantier par des dragues qui approfondissent les passes du bassin. Nous allons, en pénétrant dans l’enclos où s’opère la fabrication des blocs, suivre la manipulation de ces deux matières.

La chaux et le sable sont montés par des wagons sur une plateforme ; là se trouvent des manèges mus par la vapeur qui délaient et brassent le mélange ; des trappes s’ouvrent au bout de quelques minutes, le mortier tombe dans des wagons qui vont le verser dans des moules en bois rangés à la file sur une vaste esplanade. Deux jours après, les moules sont démontés, les blocs ayant pris une première consistance ; on garde ceux-ci environ deux mois avant de les conduire à la mer. Mille huit cents blocs à divers degrés de dessiccation étaient alignés sur cette esplanade au moment de notre visite, y dessinant comme un immense damier ; chacun d’eux pesait vingt tonnes. Une grue hydraulique, mue par la vapeur et dressée sur la plate-forme d’un chariot qui se transporte au moyen de voies ferrées sur toute l’étendue de l’esplanade, soulève tour à tour chacun de ces rochers artificiels et le charge sur un wagon attelé à une locomotive. Amené sous une seconde grue hydraulique, le bloc est chargé sur un bateau-porteur ; on en range trois côte à côte sur le pont disposé en plan incliné, puis on remorque le bateau au large sur l’alignement de la jetée ; la chaîne qui retient les blocs est alors détendue : ceux-ci glissent et coulent dans l’eau à la place qui leur a été assignée. Vingt-cinq mille roches de cette espèce, représentant 500 millions de kilogrammes, sont nécessaires à la construction des deux jetées ; le bloc se paie à l’entreprise 420 francs, ce qui portera à 10,500,000 fr. la dépense totale. A l’heure qu’il est, on en a immergé dix mille à raison de six cents par mois en moyenne. On peut donc assurer qu’en mars ou avril 1869 ce travail sera terminé.

Le chantier Dussaud est par exception situé sur la rive droite du canal maritime, séparé de la ville par la passe d’entrée, large de 200 mètres. Cinq dragues sous vapeur travaillent constamment à déblayer le port ; déjà la première darse, dite bassin du commerce, donne accès aux grands navires, qu’on vient amarrer contre les quais. Les deux autres bassins sont attaqués à leur tour, et les bancs de vase à fleur d’eau disparaissent à vue d’œil pour faire place à des fonds de 5 mètres. C’est autour de ces bassins que se