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projet, deux jetées parallèles de 3,500 mètres, à 400 mètres l’une de l’autre, devaient conduire, à l’entrée du canal maritime ; celle de l’ouest, devant principalement supporter l’effort des sables, fut commencée la première, Au moment d’entreprendre la seconde, une heureuse modification fut apportée au projet primitif. La jetée de l’est, au lieu d’avoir sa base à l’embouchure même du canal maritime, part du rivage à 1,400 mètres plus loin pour venir rejoindre obliquement la première. De la sorte, au lieu d’un long chenal, les deux jetées comprennent entre elles une vaste nappe d’eau de 230 hectares environ, formant en quelque sorte une rade couverte et un avant-port pouvant abriter de nombreux navires.

C’est principalement depuis ces deux dernières années, lors de la substitution définitive du travail des machines aux corvées égyptiennes, que Port-Saïd a pris un grand développement. Une nombreuse population de commerçans y vit du voisinage des ateliers et du ravitaillement de tout le parcours de l’isthme. Le quartier de la ville proprement dite est bâti sur l’ancien lido et sur les terrains rapportés qui se fondent et s’avancent chaque jour, suivant les besoins, sur la lagune en arrière des chantiers. Les maisons qui longent le rivage, avec leurs vérandahs et leurs galeries en bois ouvragé, donnent à la plage l’aspect élégant et coquet de nos villes de bains de mer. Port-Saïd et les bassins sont situés sur la rive gauche du canal maritime, en dehors de la jetée de l’ouest, qui prolonge l’alignement de cette rive. Un curieux phénomène s’est produit : les sables, rencontrant la jetée, s’amoncellent contre les fondemens, et la plage devant la ville s’agrandit incessamment aux dépens de la mer ; un espace de 300 mètres la sépare à l’heure qu’il est de la naissance primitive de la jetée. Ajoutons que ce fait, prévu dès l’origine, n’a rien d’inquiétant. Le même phénomène se manifeste sur plusieurs points de la côte d’Angleterre et aussi à Malamocco (Venise) sans que la profondeur de l’eau à l’extrémité des jetées en soit sensiblement diminuée. Port-Saïd n’en restera donc pas moins ce qu’il est déjà, le port le plus sûr et le plus abordable des côtes de Syrie et d’Égypte.

Une de nos premières visites fut pour le chantier de M. Dussaud, l’entrepreneur bien connu des jetées de Cherbourg, d’Alger, de Marseille ; il a commencé en 1865 les travaux de celles de Port-Saïd. Deux ans avant son arrivée, la compagnie avait déjà installé à 1,500 mètres en mer, pour satisfaire aux premiers besoins, un appontement formé d’énormes pieux fixés dans le sable par les fonds de 5 à 6 mètres ; des pierres avaient été coulées entre les pieux ; il s’était formé de la sorte un îlot sur lequel les grands navires avaient pu décharger leur matériel. M. Dussaud, chargé de relier cet îlot à la terre, de prolonger la jetée à sa longueur définitive de 3