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immobiles, plus éloignées de la France active et intellectuelle qu’on ne l’est dans ce désert africain !

Dès notre première excursion à Ismaïlia, nous visitâmes les magasins du matériel de la compagnie, un hôpital organisé à peu près comme l’ambulance que nous avons décrite, de belles écuries peuplées de longues files de chevaux et de mules. Tout a été prévu, bien compris dans l’installation de ces grands services, et tout y garde cette simplicité qui convient sous tant de rapports à l’ensemble comme aux détails d’une si vaste entreprise. L’usine Lasseron est le plus intéressant des établissemens d’Ismaïlia ; elle donne l’air d’un centre industriel à cette petite ville. Une haute cheminée la signale de loin. Au moyen d’une pompe à vapeur refoulant l’eau du canal dans des tuyaux, cette usine fournit l’eau douce nécessaire sur tout le parcours des travaux de cet endroit à la Méditerranée. Nous avons vu que le canal maritime, à la sortie du seuil, traversait une immense étendue de lagunes salées. Lorsqu’on commença à jeter les fondemens de Port-Saïd, l’eau douce était apportée de Damiette sur des barques à travers les sinuosités du lac Menzalèh. Une machine à distiller compléta ensuite ce mode d’approvisionnement. Dès que l’eau du Nil fut arrivée à Ismaïlia, on s’occupa d’y installer une pompe à vapeur, et une première conduite de fonte de 16 centimètres de diamètre assura l’alimentation de Port-Saïd. Une deuxième conduite de 21 centimètres existe aujourd’hui auprès de la première. Elles envoient par jour 1,500 mètres cubes d’eau, refoulés par une machine à vapeur de 50 chevaux ; deux machines, disposées près de la première, sont prêtes à la remplacer en cas d’accident. Les deux conduites sont garnies d’appareils de prise d’eau à toutes les stations de la ligne, et d’énormes réservoirs en tôle, toujours pleins, pourraient, dans le cas de rupture des conduits, fournir un approvisionnement de plusieurs jours. Sur tout le parcours, des regards sont disposés à intervalles rapprochés pour faciliter la recherche et la réparation des avaries. On se rendra compte de l’importance de ce service quand on saura qu’il pourvoit aux besoins de 9 ou 10,000 hommes, tant à Port-Saïd que sur le reste de la ligne.

On avait mis à notre disposition une légère calèche, attelée de quatre fringans chevaux. La voiture, s’élevant graduellement sur le plateau d’El-Guisr, s’engagea bientôt au milieu des dunes qu’elle franchissait au galop. Depuis vingt minutes environ, les toits d’Ismaïlia : avaient disparu derrière les dunes, lorsque le campement d’El-Guisr, la croix de son église et le minaret de sa mosquée surgirent devant nous. Nous mîmes pied à terre pour visiter l’élégante habitation de M. de Gioia, l’ingénieur de la division centrale des