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grands-ducs de Moscou, qui pour la première fois paraissaient à l’horizon de l’Europe ; elle leur proposa des alliances ; elle fit avec eux des traités qui leur permettaient, tantôt de marcher à la conquête de Kiev et des provinces polonaises orientales, tantôt de menacer la Lithuanie. Quand elle put craindre les progrès de cette puissance nouvelle qu’elle avait attirée sur la scène, elle se rejeta de nouveau vers la Pologne, recourant à cette politique de mariages et de négociations à laquelle elle dut un moment l’héritage de Charles le Téméraire, l’Espagne, le Nouveau-Monde, la moitié de l’Italie. L’Autriche était heureuse, plus heureuse par la diplomatie que par les armes. A l’issue de cette lutte où elle ramassait les couronnes, elle demeurait la maîtresse héréditaire de la Hongrie et de la Bohème, désormais liées sans retour à la destinée des Hapsbourg. Restait la Pologne : l’Autriche, à la mort de Sigismond-Auguste, lui proposait la candidature d’un de ses princes, l’archiduc Ernest. La maison de Hapsbourg, avec une patience obstinée, ne faisait que suivre son invariable dessein. Pour la Pologne, cette candidature d’un archiduc offrait trop visiblement la double perspective de la destinée d’une Bohême et d’une réaction catholiques, dont la politique impériale portait la fatalité avec elle.

L’ennemi véritable au fond, c’était bien sans doute un peu l’Autriche ; mais c’était bien plus encore cette puissance nouvelle, inquiétante, qui commençait à s’agiter au nord de l’Europe, et qui depuis un siècle semblait chercher une issue à travers les frontières polonaises. De cette époque en effet date entre la Pologne et le futur empire russes qui n’était encore que le grand-duché de Moscou, ce duel dramatique, sanglant, où l’indépendance polonaise a fini par périr et où la première figure qui apparaît à l’origine, c’est Ivan III, le fondateur du despotisme russe, celui dont Karamsin a dit : « Ayant enfin pénétré le secret de l’autocratie, il devint comme un dieu terrestre aux yeux des Russes, qui commencèrent dès lors à étonner les autres nations par leur aveugle soumission à la volonté de leur souverain… » Le premier choc avait eu lieu à Novogorod, ville libre et puissante, ancienne colonie slave qui s’était placée sous la protection du roi de Pologne, et, ce qu’il y a de frappant, c’est que dès ce moment la politique russe se révèle avec tous ses caractères, son esprit mongol, ses tendances, avec tous ses procédés de conquête et d’assimilation violente, — exécutions sans nombre, bannissement, dêpossessions, transportions en masse, le tout pour épargner au pays conquis « les agitations politiques. » Novogorod périt ainsi victime d’exécutions sanglantes qui se renouvelaient périodiquement et dont la dernière datait à peine de 1569. Après avoir frappé, Ivan, l’un des exécuteurs, avait des fantaisies