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dormant que j’ai porté si haut l’état du clergé, la publicité du culte, et réorganisé la religion en France de telle sorte qu’il n’est pas de pays où elle fasse tant de bien, ou elle soit plus respectée et où elle jouisse de plus de considération. Ceux qui parlent à votre sainteté un autre langage la trompent et, sont ses ennemis. Ils attirent des malheurs qui finiront par leur être funestes.[1]… »


Les menaces, on le voit, ne manquaient pas dans cette lettre, et les reproches, qu’elle contenait étaient d’autant plus blessans pour le saint-père qu’ils étaient cruellement dirigés contre la façon dont il gouvernait les affaires, mêmes de l’église. De la part de l’empereur, c’était un calcul ordinaire et désormais une habitude prise, lorsqu’il voulait agir fortement sur quelqu’un, de prendra à son égard l’attitude du mécontentement et le ton d’une profonde irritation. Le procédé qu’il appliquait maintenant au pape lui servait depuis quelque temps déjà, à stimuler le zèle de son ambassadeur à Rome. Dans ces derniers mois surtout, le cardinal Fesch avait eu, plus d’une occasion de s’apercevoir à quel point son neveu était, comme le maître de la parabole, sévère à ses serviteurs et difficile à contenter. Tantôt Napoléon avait traité de folie, l’idée que « plusieurs avaient prêtée au cardinal de vouloir se faire nommer secrétaire d’état[2] ; » tantôt il lui avait aigrement reproché « d’être sans mesure, de manquer de tact, de se conduire à Rome comme une femme[3]. » À cette heure qu’il s’agit d’obtenir de lui, un suprême effort et la mise en action d’une influence tout à fait prépondérante, l’empereur, fidèle à sa méthode, a grand soin de prodiguer à son agent près le saint-siège les témoignages de plus en plus accentués de sa méfiance et de sa mauvaise humeur. Il ne regarde même pas à le rendre personnellement responsable de l’accueil que vont rencontrer à Rome ses injonctions impérieuses.


« Je ne suis pas content de votre conduite, écrit Napoléon à son oncle le jour même où il adressait au saint-père la lettre que nous venons de citer tout à l’heure. Vous ne montrez aucune fermeté pour mon service. Vous voudrez bien requérir l’expulsion des états du pape de tous les Anglais, Russes et Suédois et de toutes les personnes attachées à la cour de Sardaigne. Il est fort ridicule qu’on ait voulu maintenir M. Jackson à Rome ; s’il y est encore, requérez-en l’arrestation, c’est un agent des Anglais. Aucun bâtiment suédois, anglais, ni russe, ne doit entrer dans

  1. Lettre de Napoléon Ier au saint-père, 22 février1806. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XII, p. 38.
  2. Correspondance de Napoléon Ier, 13 décembre 1806, t, XI, p. 474.
  3. Ibid., 11 décembre 1805, 17 janvier 1806,30 janvier 1806, p. 495, 540, 563.