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parfaitement les maîtres : toute action humaine relèverait désormais de leur double pouvoir, et rien ne leur échapperait plus ni au ciel ni sur la terre. Ce marché, car il est difficile d’appeler cela d’un autre nom ; l’empereur n’éprouva nul embarras à le proposer ouvertement au pape sans palliatif aucun et dans des termes non dépourvus, ce nous semble, d’une assez déplaisante crudité. Voici sa lettre :


« Je partage toute la peine de votre sainteté ; et je conçois qu’elle doit avoir des embarras. Elle peut tout éviter en marchant dans une route droite et en n’entrant pas dans le dédale de la politique et des considérations pour des puissances qui, sous le point de vue de la religion, sont hérétiques et hors de l’église, et sous celui de la politique sont éloignées de ses états, incapables de la protéger et ne peuvent lui faire que du mal. Toute l’Italie sera soumise à ma loi. Je ne toucherai rien à l’indépendance du saint-siège, je lui ferai même payer les préjudices que lui occasionneraient les mouvemens de mon armée ; mais nos conditions doivent être que votre sainteté aura pour moi dans le temporel les mêmes égards que je lui porte pour le spirituel, et qu’elle cessera des ménagemens inutiles envers des hérétiques ennemis de l’église et envers des puissances qui ne peuvent lui faire aucun bien ! Votre sainteté est souveraine de Rome ; mais j’en suis l’empereur. Tous mes ennemis doivent être les siens. Il n’est don pas convenable qu’aucun agent du roi de Sardaigne, aucun Anglais, Russe ou Suédois réside à Rome ou dans vos états, ni qu’aucun bâtiment appartenant à ces puissances entre dans vos ports. Comme chef de notre religion, j’aurai toujours pour votre sainteté la déférence filiale que je lui ai montrée dans toutes les circonstances ; mais je suis comptable envers Dieu, qui a bien voulu se servir de mon bras pour rétablir la religion. Et comment puis-je sans gémir la voir compromise par les lenteurs de la cour de Rome ? On ne finit rien, et pour des intérêts mondains, pour de vaines prérogatives de la tiare on laisse périr des amis, le vrai fondement de la religion, Ils en répondront devant Dieu, ceux qui laissent l’Allemagne dans l’anarchie ; ils en répondront devant Dieu, ceux qui retardent l’expédition des bulles de mes évêques… Je ne refuse pas d’accepter le concours d’hommes doués d’un vrai zèle pour la religion et de m’entendre avec eux ; mais si à Rome on passe les journées à ne rien faire et dans une coupable inertie, moi, que Dieu a commis, après de si grands bouleversement, pour veiller au maintien de la religion, je ne puis rester indifférent à tout ce qui nuit au bien et au salut de mes peuples… Je sais que votre sainteté veut le bien ; mais elle est environnée d’hommes qui ne le veulent pas et qui, au lieu de travailler dans ces momens critiques à remédier aux maux qui se sont introduits, ne travaillent qu’à les aggraver… Ce n’est pas en